L'impact économique et social des guerres françaises au début du XVIIIe s. à Saint-Martin-Vésubie
Le temps d’une génération, entre prospérité et réquisitions. L'impact économique et social des guerres françaises au début du XVIIIe s. à Saint-Martin-Vésubie
GILI Eric
Professeur d'Histoire Géographie au Collège de la Vésubie
Chandolent@gmail.com
Introduction :
Cette étude avec une analyse comptable…
Pour l’année 1695, le rédacteur des comptes (dont le nom nous échappe) de la Confrérie du Rosaire , installée dans l’église paroissiale de Saint-Martin Lantosca (Vésubie), note scrupuleusement les recettes et les dépenses de son prieurat. Au total, le bilan accuse un déficit de 10 £ 6 sous 10 deniers, sur un total de dépenses s’élevant à 173 £ 6 sous 10 deniers . Les recettes sont généralement le produit de legs, des messes dites à l’autel sous la protection de la Vierge du Rosaire, de la vente des cierges lors des principales fêtes du calendrier catholique, des quêtes et collectes que les confrères sont amenés à réaliser lors de ces mêmes manifestations, mais aussi des ressources provenant des cens (locations) des terres appartenant à la Confrérie, de la vente de chanvre et de grains produits ou collectés. Inversement, les dépenses sont généralement modiques, destinées à la rémunération des prêtres - principalement du curé de la paroisse - qui y disent les messes, pour la cire des cierges vendus et surtout pour l’huile nécessaire à l’entretien du luminaire de la chapelle.
Il convient donc d’expliquer ce déficit.
Cette année, près de la moitié de la dépense provient d’une seule ligne, véritablement exceptionnelle. Il s’agissait d’orner la chapelle en cours de dotation de deux « cadres », entendons « tableaux » , dont les prieurs avaient confié la réalisation au peintre niçois BALDOINO. La dépense totale pour cette œuvre s’élevait à la somme conséquente de 81 £ 8 sous et 4 derniers, à laquelle il convenait de rajouter un certain nombre d’autres dépenses annexes : 5 £ pour la toile ; 36 £ 10 sous pour la dorure des cadres ; 12 sous pour le travail de maître Nicolas DOBIS qui avait été chargé de « monter les tableaux » ; plus 2 £ 5 sous au même pour avoir fait les colonnes de l’encadrement ; 1 £ 10 sous pour le prix du bois ; 17 sous pour avoir avancé l’autel afin de réaliser la mise en place convenue ; et quelques autres dépenses au même Nicolas DOBIS pour 1 £ 10 sous. Au total, 129 £ 12 sous et 4 deniers, les ¾ de la dépense annuelle de la Confrérie, année qui s’avère effectivement exceptionnelle à plus d’un titre.
L’année suivante, maître Nicolas DOBIS recevait encore 1 £ et 10 sous pour avoir confectionné le Légendaire de la chapelle. Cette année, les comptes de la Confrérie étaient excédentaires de près de 8 £. Mais en 1697, les frais s’élevaient une nouvelle fois et dépassaient les capacités financières du Rosaire. 166 £ 14 sous et 6 deniers de dépenses contre 115 £ et 1 sous de recettes, celles-ci ne couvrait donc que 69 % des premières, soit un déficit de 51 £ 14 sous et 5 deniers. Somme colossale pour une si modeste confrérie, supérieure aux seules ressources de bien des années, comme en 1689, 1690 ou encore en 1691. La raison de cette dépense « somptuaire » l’était bien, dans le contexte baroque qui prévalait alors. Et il s’agit bien là de notre interrogation principale…
La Confrérie venait de décider la réalisation de son chef-d’œuvre, l’autel de la toute nouvelle chapelle installée dans le bas-côté nord, côté Évangile, qui venait tout juste d’être terminée. C’est à Maître ODOLINO qu’avait été confiée cette réalisation, pour un prix total de 93 £ et 18 sous et 5 deniers. La dorure était l’œuvre de M. POGETO, qui s’en acquittait pour 27 £ 22 sous et 6 deniers, versés, à mesure de l’avancée du travail, en cinq termes dans l’année. Le bois avait été fourni par Honoré TARDEGLIO pour 5 sous 6 deniers, et Nicolas DOBIS intervenait une nouvelle fois pour 1 écu, soit 4 £ et 16 derniers.
L’une des dépenses engagée avait été compensée par un lègue, celui réalisé par le Noble Pierre RAIBERTI et son frère le Révérend Dom Honoré, au nom de leur père qui le souhaitait, « pour faire deux statues à l’autel du Saint Rosaire », à hauteur de 22 £ et 6 sous. On y reconnaîtra les deux statues en position de priant des saints Dominique et Catherine de Sienne , dont l’ordre Prêcheur était rattaché à la dévotion toute particulière de la dédicace de la chapelle. Dans la composition d’origine, leur position proche de la Vierge à l’Enfant tendant chacun un rosaire ne fait aucun doute. Notons que la ‘baroquisation’ de la chapelle du Rosaire est l’œuvre de sa seule confrérie, sans intervention ni de la part de la Communauté ni de celle du curé-prieur commendataire de l’église.
Pour bien se rendre compte de l’importance de ces investissements, qui peuvent paraître à bien des égards somptuaires, nous pouvons les comparer aux prix fixe du pain, du vin, de fromage ou de la viande. L’émine de seigle se vendait entre 1 £ 10 sous (1695) et 2 £ (1696).
Les ordonnances municipales, qui offrent aux enchères publiques les fermes municipales alimentaires, fixent le prix au détail avec une grande régularité pour permettre l'accessibilité du plus grand nombre à cette denrée essentielle. Pourtant, les prix peuvent varier considérablement, pratiquement du simple au double entre 1695 et 1696. Quelques autres exemples en expriment la différence : 1 sous 1/2 la livre de pain de sigle en 1702, mais seulement 1 sous 4 deniers la livre pour le pain blanc (de froment) en 1708, et 5 £ 5 sous le rub de fromage en 1707, ou encore 2 sous 10 deniers la livre de vitello, toujours en 1707. Il s’agit donc bien de dépenses dépassant l’habituel, le quotidien pour bien des habitants.
Cet aperçu détaillé de la création d’une chapelle latérale dans une église paroissiale vaut, certes, pour la connaissance de l’art, mais aussi pour la compréhension du processus qui mène à cette réalisation. Au-delà des simples aspects matériels, il pose de nombreuses questions dès lors qu’on en contextualise la réalisation.
Celui répondant au cadre de cet édifice tout d’abord, puisqu’il nous offre une fenêtre sur un moment fondamental dans la monumentalisation de l’église paroissiale. En 1697, date inscrite sur l’autel du Rosaire, le bas-côté nord qui l’accueil est très récent (la date de 1694 est inscrite sur sa façade), comme en témoigne également la représentation peinte de l’église retrouvée dans le cartouche du « Couronnement de la Vierge » ornant le plafond du chœur, dans sa partie orientale.
Dans un cadre chronologique ensuite, si l’on considère que nous sommes à cette époque (1695), en pleine guerre de la Ligue d’Augsbourg, et particulièrement sous la « première » occupation française . Ce n’est qu’en l’année d’érection de la chapelle du Rosaire que le Comté de Nice, et naturellement le village de Saint-Martin, retourne à son souverain légitime, le duc de Savoie. Et le phénomène que nous constatons pour cette chapelle vaut également pour l’ensemble de l’église paroissiale. Alors, comment peut-on expliquer qu’en période de crise politique extrême, avec les conséquences économiques que nous imaginons, il soit possible à certains notables villageois d’investir de telles sommes ! Nous comprenons bien qu’elles ont vocation à assurer leur repos éternel, tout en embellissant l’édifice au bénéfice de tous, et en plaçant sur le devant de la scène leurs auteurs. Peut-on estimer la durée de ce phénomène, alors même que Nice et une partie de son Comté sont de nouveau soumis à l’occupation des armées françaises lors de la guerre de Succession d’Espagne ? Le temps d’une génération…
1. La réponse traditionnelle de la Communauté villageoise à la présence de la guerre
Il est devenu classique de considérer la guerre dans le Comté de Nice à l’époque moderne comme endémique. Plus précisément encore, il n’est sans doute pas d’individu qui ait atteint un âge respectable sans l’avoir connu au moins une fois durant son existence. Les références bibliographiques sont nombreuses pour en rappeler le détail . Plus généralement, cette période est considérée comme celle du paroxysme du pouvoir des monarchies européennes avec, comme corollaire, l’affirmation de l’État face aux anciens pouvoirs seigneuriaux et locaux communautaires. La guerre est souvent présentée comme le moyen détourné d’imposer définitivement le poids de l’impôt devenu désormais régulier. Précédent la période qui nous intéresse, la Guerre de Trente Ans est en cela représentative de la montée en puissance du phénomène. Elle fait entrer l’affrontement séculaires des monarchies européennes dans l’ère des guerres nationales . Ainsi a-t-on pu affirmer que la guerre et le fisc ont été aux racines de l’État moderne.
Mais l’État est-il le seul bénéficiaire du grand jeu belliciste des XVIIe et XVIIIe siècles ? Dans quelle mesure peut-on estimer que la guerre « profite » également à une frange particulièrement favorisée des sociétés villageoises ?
Une structure sociale oligarchique bien en place : le clan lignager
Ce sont les systèmes lignagers qui structurent et organisent la vie urbaine et villageoise dans le Comté de Nice durant l’ensemble de cette période. Le cas de Saint-Martin-Vésubie peut servir d’exemple dans ce mode de fonctionnement . La vie politique y est dominée par un petit nombre de familles notables, qui détient, en temps normal, l’essentiel du pouvoir décisionnel. Pour bien comprendre comment fonctionne le système, il est nécessaire de reconstituer les généalogies familiales et celles de l’affinité pour mettre en évidence les proximités entre chaque titulaires des charges communales. Pour s’en convaincre, nous pouvons prendre quelques exemples tirés des listes des officiers municipaux établies chaque année par le Parlement de la Pentecôte. C’est effectivement à cette époque que les chefs de famille du village se réunissent pour « élire » les différents responsables de l’année à venir. On y trouve, pour la période qui nous intéresse, un grand nombre de fonctions. Au premier chef, le baile, représentant de justice de première instance. Puis viennent les deux syndics dont on rapproche l’autorité à celle du maire actuel de nos communes. Puis viennent les 12 conseillers « titulaires » et les 12 conseillers adjoints. La pratique demande que ce soit le baile qui convoque au Conseil les « conseillers temporaires » en remplacement de ceux qui n’auraient pu se rendre à la première convocation, afin que les décisions soient valides. S’égraine alors une longue litanie de charges, celles des prieurs de la Confrérie du Saint-Esprit et des différentes aumônes : della Candeliera distribuée au jour de la Purification de la Sainte Vierge, le 2 février ; celle dite du 1er mai, jour de la fête des Apôtres Philippe et Jacques, dite aussi aumône de BOCCIONE, du nom de son légataire, Jean BOCCIONE (enregistrée le 4 octobre 1618), permettant de distribuer du pain et du vin ; celle dite de AIRAUD, également du nom de son donateur ; celle de l’Ascension, remontant à 1557 et distribuée ce jour ; celle de saint Jean (Baptiste), distribuée le jour de la nativité du saint ; celle de sainte Élisabeth, distribuée le 2 juillet, jour de la fête de la Virginité de la Madone ; celle, enfin du Corpus Domini, gérée traditionnellement par le syndic principal. Viennent ensuite les recteurs des différentes chapelles rurales, toutes gérées par la Commune : Saint-Joseph, Saint-Antoine, Saint-Grat, Saint-Nicolas, Sainte-Anne, Saint-Sébastien, Saint-Bernard. Ou encore ceux des grandes institutions, comme les « 5 Plaies » (cinque Piagle), l’Hôpital ou encore la Madone Très Sainte de Fenestres. Ces nominations couvrent l’espace sacré de la Communauté dans une union intime qui apporte pérennité et protection spirituelle à ses membres. Viennent ensuite des fonctions plus administratives : celles de secrétaire de la Communauté, d’archivistes, aux attributs judiciaires comme les d’arbitres (experts ruraux des travaux et dégâts), risguardatori, campanieri , conservateurs des bois, gardien du cadastre, fiscales comme les essatore et pesatore des aumônes, ou plus techniques comme les avocats de la Communauté ou les auditeurs des comptes ; enfin, ceux à valeur symbolique comme le sacristain, le porteur de la Croix, ou encore les abbats de jeunesse, le maître d’école et son clerc répétiteur.
Durant l’année, les conseils et parlements qui se succèdent permettent d’attribuer les revenus de la Communautés selon les règles habituelles de la concurrence par appel d’offre publique ou propositions spontanées. Il s’agit des fermes communales ou gabelles, comme la fourniture de sel bien évidemment, mais aussi celles du vin en gros et au détail, de l’huile, du pain blanc ou de seigle, de la boucherie, pour ce qui est de la distribution des denrées ; de l’attribution des quatre bandites (les pâturages communaux) du Boréon, Cereisa, Salèses et Devensé, de la garde des génisses et des bœufs, de celle des chèvres locales (la casolana ou capraïro, appellation indifféremment utilisées) qui ne s’effectuent pas sur les mêmes pâturages, ou encore le discapanaggio qui permet la répartition des fromages produits durant la saison estivale entre les différents propriétaires des vaches de la commune. Ces attributions, au caractère économique essentiel, sont autant de ressources qu’il est possible de répartir chaque année, ou par période de 3 ou 4 ans, comme pour les revenus de l’osteria, des moulins, fours et autre paratore (le moulin à foulon). Enfin, celle des différents biens fonciers attribués aux aumônes, qui répondent aux mêmes règles de répartition et qui offrent d’importantes ressources supplémentaires durant les périodes de crise.
On en conviendra, l’énumération est longue et offre de nombreuses possibilités d’améliorer le quotidien pour quiconque a les moyens d’investir selon le mode de la ferme communale. Pour cela, il lui est nécessaire de verser une part des revenus attendus pour l’année dès l’attribution de l’adjudication, et le reliquat selon un calendrier pré-déterminé. De fait, les registres de délibération de la Commune permettent d’identifier les personnes qui tiennent ces charges et prennent à fermes les différents revenus de la Communauté. Leur lecture attentive indique qu’ils sont accaparés par un même groupe socialement dominant durant une longue période. Des indications de qualité (sociale) aident à repérer les principaux individus qui forment ce groupe au début du XVIIIe siècle. Nous pouvons parler d’omniprésence des notaires (Jean André CAGNOLI, Jean Pierre CASONE, Ludovic et Pierre Antoine RAIBERTI ), mais sont également représentés les avocats du village (Jean Baptiste FABRI et Jean Baptiste CAGNOLI), des médecins (comme Jean Paul VEGLIO et Joseph CAGNOLI) ou encore l’apothicaire (André RAIBERTI), et enfin des capitaines des milices (Nicolas GUBERNATIS, Jean André BALDONI, Jean Jacques RAIBERTI). Ils ont comme caractéristique commune de se retrouver très régulièrement aux postes de décision et principalement comme Conseillers « titulaires », tout en tenant parallèlement d’importantes charges de gestion ou d’honneur.
Au premier abord, celui qui peut paraître le plus prestigieux des membres du Conseil (mais finalement à tort) est le capitaine Claude GUBERNATIS, fils du feu capitaine Jean. Vétéran de la guerre précédente (il dirigeait les milices de la Vésubie protégeant le fort de Villefranche lors de l’invasion française de 1691 ), il est Conseiller de 1699 à 1709 puis de nouveau en 1713, il tient aussi les charges d’Auditeur des comptes en 1699 et 1708 ; d’Avocat de la Communauté en 1702 ; de Conservateur des bois en 1703, 1705 et 1706 ; de Recteur de la chapelle Sainte-Anne en 1704 ; de Percepteur des aumônes en 1707 ; de Fourrier en 1708… un cursus honorum d’importance, mais pourtant sans jamais tenir les fonctions suprêmes de baile ni même de syndic . Malgré le prestige de son ascendance et de sa carrière, ce n’est pas le principal personnage de la Communauté villageoise.
L’exemple du speciaro (apothicaire) André RAIBERTI semble plus être celui d’un administrateur de premier plan « en devenir », franchissant les étapes de la fonction publique au service de la Communauté : Conseiller en 1698, puis en 1700, enfin de 1702 à 1712 ; il remplit parallèlement les fonctions administratives d’Auditeur des comptes en 1700 et 1709, Percepteur des aumônes en 1702, Avocat de la Communauté en 1704, Conservateur des bois en 1708 ; Fourrier en 1709, année terrible ; enfin, recteur, de l’hôpital en 1700 et 1712, ou de la chapelle Sainte-Anne, qui semble être privilégiée, en 1707, 1709 et 1711. Un parcours exemplaire qui l’amène à la charge plus importante de Baile, en 1717…
C’est sans doute le notaire Jean André CAGNOLI qui occupe les fonctions les plus importantes durant cette période. Sa « carrière » semble exceptionnelle : premier syndic en 1698 puis en 1705 (ce qui lui permet d’être le prieur – administrateur – du Corpus Domini) ; Conseiller en 1699 et 1700, 1702, 1704, 1707 et 1710 ; il est même Électeur, poste prestigieux et politiquement central puisqu’il décide des candidats à l’investiture syndicale, en 1701, puis 1703 (ce qui ne l’empêche pas d’être appelé en adjonction du Conseil par le baile), et encore en 1706 et 1708. Mis à part ces fonctions exécutives, il détient régulièrement d’autres plus administratives : archiviste en 1699, Secrétaire de la Communauté en 1707 et 1711, Gardien du cadastre en 1703, Conservateur des bois en 1704, et même Recteur, de la Madone de Fenestres en 1699 et 1701, de l’hôpital en 1704 et 1707. Il participe même – mais j’y reviendrai – aux mises en adjudication des revenus communaux.
Ces trois schémas mettent en évidence les différents parcours des principaux administrateurs de la Communauté. Ces personnage détiennent le pouvoir exécutif du village de manière continue, mais seul Jean André accède aux plus hautes fonctions. Parallèlement à ce pouvoir, ils jouent un rôle de premier plan dans les fonctions administratives essentielles à la gestion « moderne » du village. Ce qui leur permet également de gérer les différents patrimoines immunes de la mouvance ecclésiastique : rectories, aumônes, hôpital… qui sont des sources appréciables à la fois de revenus et de prestige, tant pour leurs avoirs personnels que pour ceux de leur clientèle, participant de cette façon à un jeu d’équilibre sans cesse remis en cause. Ces fonctions politiques ne sont d’ailleurs pas incompatibles avec la gestion des biens communaux qu’ils obtiennent… après adjudications publiques.
Mais il y a plus. En retraçant les généalogies familiales, nous pénétrons des réalités plus intimes du jeu politique local qui permettent de découvrir les liens qui unissent les différents responsables politiques et administratifs du village dans un véritable système clanique de gestion publique.
Pour mettre en évidence ce système lignager, plusieurs entrées sont possibles. Pour se limiter aux familles présentées dans les graphiques précédents, nous pouvons placer dans un « centre théorique » la famille CAGNOLI. Dans la période 1698-1713, celle-ci donne 6 représentants au Conseil ordinaire du village : dans l’ordre alphabétique, François André, avocat ; Jean André, notaire ; Jean Baptiste, avocat ; Jean Honoré, avocat ; Jean Paul ; Joseph, médecin. Nous noterons au passage sans surprise la concentration et l’importance des charges sociales, essentiellement tournées vers les métiers du droit, les plus prestigieux. C’est essentiellement la descendance de Pierre qui conserve les charges municipales. Si l’on porte son regard sur le notaire Jean André (petit-fils de Pierre), nous retrouvons à ses côtés son oncle l’avocat Jean Baptiste, ses deux cousins germains l’avocat Jean Honoré et Jean Paul, mais aussi l’époux de sa tante Marguerite (le notaire Pierre Antoine RAIBERTI), et ses deux beau-frères, époux de ses sœurs, l’autre notaire Jean Pierre CASONI et le chirurgien Jean André BALDONI. Mais encore son beau-père Jean Baptiste VEGLIO et le fils de ce dernier, frère de son épouse, l’avocat Jean Louis. Admettons qu’il s’agit-là d’une concentration exceptionnelle d’honneurs publics municipaux dans les mains d’un même groupe familial en constant recomposition. Tout simplement 9 charges qui gravitent autour du notaire Jean André CAGNOLI.
Pour le plaisir, nous pouvons noter une continuité encore plus large en analysant la génération suivante des VEGLIO et des CAGNOLI. Leur descendance s’allie à celle d’autres branches du pouvoir, celles des RAIBERTI et des FABRI.
Généalogie simplifiée de la fonction de Conseiller. Saint-Martin-Vésubie, 1698-1713
(en grisé, les titulaires d’une charge de Conseiller)
Ces liaisons généalogiques, qui s’échelonnent sur trois générations contemporaines, ne doivent pas cacher les tensions qui ont nécessairement et immanquablement existé entre les différents protagonistes. Nous en retrouverons quelques indices au fil de ce développement.
Une fois définie la surface du pouvoir au sein de la Communauté villageoise, nous pouvons approcher le mode de gestion de cette même commune.
? Des progrès signifiants de gestion publique
À Saint-Martin-Vésubie, la gestion de la Communauté s’effectue de manière identique à celles présentées par Henri Costamagna pour l’ensemble de l’ancien Comté de Nice. Il en va de même à Tende, qu’analyse en détail Marc Ortolani . Institutionnellement, elle ne diffère que dans le détail de son mode de fonctionnement médiéval que décrivait déjà Jean Paul Boyer . Par contre, elle met en évidence le poids toujours plus important de l’État qui impose l’établissement d’un budget, valide les comptes communaux, et fait peser sur le village le poids toujours plus fort de l’impôt. Un poids ressenti même si l’État cherche à « rationaliser » ses prélèvements dans un souci d’équitabilité et de proportionnalité de la richesse foncière réelle du contribuable. Objectif inatteignable, malgré toute la volonté de l’État, dans une société de privilégiés et d’exemptions. L’échantillon s’intéressant aux début du XVIIIe siècle, il débute trop tardivement pour qu’il soit possible de décrypter l’évolution notée par Pierre Charbonnier à Mézelle en Bourgogne ou par Élie Pélaquier concernant la région des côtes du Rhônes (Saint-Victor de la Coste). Tous deux notent la faiblesse des ressources communales et le poids exorbitant des étapes militaires obligeant au logement des troupes durant tout le XVIIe siècle. La rôle de plus en plus prégnant de l’État, qui se retrouve également dans le Comté de Nice, fait de la Communauté « la gestionnaire de son territoire, le relais de la fiscalité royale et le soutien de l’organisation militaire du royaume ». À défaut d’un maillage suffisant, et sans doute à cause de cette même faiblesse financière des Communautés, celles-ci se voient affublées, à leurs corps défendant, du rôle de « plus petit rouage de l’administration royale » par le triple rôle qui leur est attribué. De fait, l’État savoyard, parallèlement à son voisin français, met progressivement en place depuis le XVIe siècle les moyens d’une rationalisation administrative qui doivent le mener à la constitution d’une monarchie moderne. La guerre qui sévit sur le territoire du Comté, loin de ralentir le phénomène, l’accentue en accélérant la pression fiscale sur les Communautés, bien plus et rapidement sans doute que n’aurait put le réaliser la Maison de Savoie en temps de paix. En cherchant à se substituer au souverain savoyard jusque dans sa fiscalité, en prélevant les impôts habituels mais aussi en en introduisant de nouveaux consécutifs au contexte militaire, Louis XIV, occupant le Comté, renforce la marche vers la centralité .
L’analyse des comptes de la Communauté de Saint-Martin-Vésubie entre 1700 et 1713 nous mène à en préciser les conditions et d’introduire la nuance. Parallèlement aux chiffres, nous connaissons par le détail le mode de fonctionnement et les sujets qui agitent la société saint-martinoise grâce aux registres des ordonnances municipales. Elles permettent de préciser les réalités dont témoignent les chiffres bilans des comptes des syndics. C’est à partir du registre que fait composer la Communauté à la saint Michel 1613 sur ordre des syndics et du Conseil du village que se met en place l’administration moderne. À cette époque, les autorités désirent « mettre toutes les ordonnances du livre vieux et autres qui se trouvent en main des notaires du présent lieu et autres écritures dans le présent livre », précisant « solamente le ordenanze necessarie e che lasciro le altre ». Devançant les vœux de la Maison de Savoie de quelques décennies, elles ordonnent « che le ordonnaze che sono in Latino si debbano translatar in Italiano », moyen d’uniformiser et d’offrir une meilleur compréhension à tous. Le registre, d’une centaine de pages, recense et transcrit les ordonnances conservées pour leur pertinence en ce début du XVIIe s. Les plus anciennes remontent au début du siècle précédent, 1508-1511-1515… et font état des règlements communaux, de l’élection aux charges, de la police des champs… sans plus développer. Ces règlements s’appuient sur les statuti campestri conclus entre la Communauté et la puissance publique rassemblés sous le nom de Statuts du Val de Lantosque, reconnus par le duc de Savoie lors de la passation du serment de fidélité de début de règne. Ils sont toujours en fonction au moment de l’épisode révolutionnaire.
Cet ensemble législatif local permet à la Communauté de posséder et d’exploiter de nombreuses ressources qui forment l’essentiel de ses moyens financiers. En temps normal, si tant est qu’il en est, elles permettent de subvenir à la fois à la rétribution des officiers municipaux et de pallier aux inévitables dépenses d’entretien, voir parfois à investir.
Notons que l’année comptable de la Communauté débute avec le Parlement de la Pentecôte, contrairement à nos comptabilités publiques qui se basent sur l’année civile…. Si sa date varie chaque année, elle se situe généralement à la fin du mois de mai. Sont alors investies les fonctions syndicales et communales que nous avons déjà rencontrées.
Le premier compte financier complet de la Communauté de Saint-Martin, celui de 1700, trois ans après la fin de la première occupation française, concerne l’exercice des syndics Jean André BOGLIO et Pierre INGIGLIARDI. Il fait apparaître des ressources relativement importantes. Henri Costamagna classe le village parmi ceux du premier quartile des communautés du Comté . Au total, pour une année qui n’est pas touchée par la guerre ni par des accidents climatiques majeurs, Saint-Martin collecte à la fois des ressources habituelles et d’autres exceptionnelles. Le « bilan » fait apparaître la somme très conséquente de 4 167 £ 13 sous et 8 deniers. Mais seuls 2 131 £ 15 sous et 7 deniers font partie de ce que nous qualifions de ressources habituelles. Les ressources complémentaires, qui doublent sa capacité financière, sont obtenues grâce à des crédits complémentaires (48 % contre 52°% pour les ressources habituelles).
De leurs côtés, les dépenses s’élèvent à 4 137 £ 10 sous et 7 derniers.
Au final, les comptes dégagent un reliquat annuel (ou bénéfice, mais le détail démontre qu’il n’en est rien) de 30°£ 3 sous et 1 denier. Soit 0,72 % du budget annuel. Un bénéfice qui provient exclusivement de la mobilisation de ressources exceptionnelles.
Revenons sur ces ressources, en précisant quelles en sont les lignes budgétaires. Pour reprendre la nomenclature proposée par Henri Costamagna , retenons que la Communauté bénéficie des revenus tirés de ses activités pastorales (la location des bandites du Boréon, de Cerise, du Dévensé et de Salèses et des prés pour 568 £…), de services publics (exploitation en fermes, généralement annuelles, des moulins et fours qui s’élèvent à 744 £, le foulon pour 22 £…), d’impôts communaux prélevés (herbage et pâturages pour 360 £, discapanaggio concernant la production de fromages pour 129 £…). Cette année s’ajoutent des ressources épisodiques concernant des prélèvement exceptionnels sur aumônes (celle dite d’AIRAUDI pour 564 £), sur les fours et les alpages pour 283 £, mais surtout un prêt contacté auprès de Jean André CAGNOLI pour 1 002 £.
Quelles peuvent être les raisons qui ont poussé à la nécessité de l’emprunt ?
Les dépenses correspondent bien évidemment à la gestion quotidienne d’une communauté : Une centaine de livres pour entretenir les ponts, 185 pour le maître d’école, 33 pour rémunérer le médecin communal, 73 £ pour les fêtes Pascales… ; Puis, très vite apparaît le poids de la dette : 700 £ pour le paiement de cens et prêts antérieurs. Il conviendrait de vérifier, si possible, si ces derniers correspondent à l’épuration de la dette contractée lors de la tentative d’inféodation du village et qui a longtemps pesé sur les comptes communaux. Mais c’est surtout le Donatif, l’impôt versé au Fisc ducal qui obère les finances communales. C’est ce dernier qui est, à l’évidence, à l’origine de l’emprunt que contracte la Communauté. Pour l’année 1700, Saint-Martin verse au total 2 240 £ 10 sous 8 deniers en quatre versements… Cette charge représente 53,7 % des recettes de cette année. Si l’on compare cette charge avec les ressources dites habituelles de la Communauté, il est notable qu’elle les dépasse sensiblement, de 5%. Il y a donc bien impossibilité pour la Commune, malgré des ressources relativement importante en comparaison avec celles des villages voisins , de répondre à la fois aux demandes de l’État, et à celles d’une gestion quotidienne que l’on peut juger raisonnable.
Ces informations doivent être mises en relation avec les enquêtes d’estimations qu’ordonne l’Intendant Pierre MELLAREDE. En 1699, année de son arrivée à la tête de l’Intendance du Comté , il lance une première enquête recueillant des informations afin de connaître le plus précisément possible l’état des ressources des communautés villageoises. Nous sortons de plusieurs années de guerre et les villages doivent encore faire face à de nombreuses difficultés financières en partie héritées de ces temps difficiles, en partie produites par l’arrérage d’impôts provoqué par la grande réforme fiscale.
La « statistique », après avoir rappelé l’importance démographique des villages, précise la répartition entre terres cultivées et incultes. Puis, elle décrit par le menu les différentes productions des villages : céréales, vin, huile, noix, figues, châtaigniers, destinés à la consommation des hommes, mais aussi chanvre et foin, entre productions industrielles et alimentation animale.
Bien évidemment, il convient de mesurer ce qui est mesurable. L’enquête permet le classement des territoires, exprimés en journées piémontaises (3 810 m² environ l’unité), par ordre croissant. Sospel, deuxième ville du Comté, se présente comme la principale communauté territoriale. Saint-Martin est bien classée (mais dans son cas, l’enquête prend-elle en compte les biens fonciers de la Madone de Fenestres ? et les terres d’altitude, pâturages et forêts mais aussi incultes, dans ce même vallon indiquées sur les cartes d’époque comme appartenant à la communauté de Tende ?). Elle possède une population estimée à 302 chefs de familles, en quatrième position sur 16 villages retenus, juste derrière Lantosque (317), venant tout de même après Utelle (410) et surtout Sospel (669) qui représentent les grandes agglomérations de notre échantillon. Les rapports induits par la division entre terres cultivées et incultes donnent respectivement une moyenne de 33,20 et 11,88 journées de terres par chef, pour un total général de 45,08 journées de territoire, ce qui place le village à la 11e place toujours sur les 16 villages choisis. Le rapport existant entre terre cultivées / terres totales monte à 73,65 (soit les ¾ du territoire considérés comme cultivés).
L’importance de ce dernier rapport n’est pas partagée par toutes les communautés villageoises. Bien au contraire, dans l’échantillon choisi, seuls Marie, Rimplas, Belvédère, Saint-Sauveur, Roquesparvière et Roure possèdent moins de terres cultivables que de terres cultivées. Le rapport est surprenant car Saint-Martin, mais aussi Sospel et Valdeblore possèdent une grande part de leur territoire en haute montagne le plus souvent stérile. Roure possède approximativement autant de culte que d’inculte. Toutes les autres sont mieux dotées en terres utiles, avec même un rapport dépassant le 3 pour 1 pour Venanson…
Ces indications permettent d’appréhender chaque communauté selon des réalités territoriales et productives qui lui sont propres. Elles mettent en évidence les facilités que possèdent certains villages face à d’autres, sans pour autant induire la productivité des terres dont il s’agit. On se rappelle que les syndics de Saint-Martin Antoine COTTIGNOLI et Jean Louis PLENT répondaient, le 8 septembre 1697, à l’enquête de l’Intendant en rappelant « qu’il n’y avait pas de fonds qu’il soit en pré ou en champ qui ne soit pas sujet à d’évidentes ravines », les terroirs du village étant situés dans « des lieux alpestres, dévastés, dont les terrains sont sujets à inondations des deux rivières [Boréon et Fenestres] entre lesquels il reste situé » .
Pour cela, la statistique donne une indication chiffrée sur les volumes produits des principales cultures-cueillettes. Saint-Martin produit du blé, à peine en suffisance pour nourrir sa population même si, au total, cette culture représente 36 % des volumes produits. Une production complétée par celle des châtaignes (2 %), et 1% de noix dont on tire l’huile locale. Mais ces productions ne suffisent pas à la consommation des villageois. La production de vin de Saint-Martin est insignifiante, les besoins en huile (d’olive) insatisfaits. Nous avons pu constater que ces produits font l’objet de gabelles et d’adjudications communales. L’essentiel des volumes produits concernent les foins, laissant entrevoir l’importance du cheptel local, alors en pleine reconstitution après les épisodes militaires des années passées.
Rapportées au nombre de chefs de familles, les productions de Saint-Martin se situent dans la moyenne des communautés villageoises de la vallée en ce qui concerne les céréales (23,84 rubs par chef de famille pour une moyenne vésubienne de 23,10 – Venanson fait figure d’exception avec 40 rubs par chef de famille, exception qu’il faut rapporter à la faiblesse de sa population) mais très largement sous celle-ci pour les productions de châtaignes (1,16 rub par chef, contre une moyenne de 4,69, essentiellement grâce aux productions remarquables de Roquebillière 10,2 et Belvédère 9,52, voir même Lantosque 6,31).
Ces données chiffrées mettent en évidence la « richesse » réelle des communautés villageoises, mais surtout font état des profondes différences qui existent en elles. Sospel fait figure de centre économique de toute première importance dans la montagne niçoise. Plus particulièrement en Vésubie, c’est à Lantosque que revient le privilège de paraître le village le plus prospère. Sa production céréalière est satisfaisante, aidée en cela par un territoire d’altitude acceptable et par l’importance de ses aménagements productifs à l’échelle du Comté. Le complément en châtaigne, mais aussi l’importance des productions oléicoles, de celle de ses vins, font de son territoire un centre d’équilibre productif. Il n’est pas étonnant alors d’y voir séjourner régulièrement les troupes , qui y trouvent une partie de leur subsistance, en plus d’y tenir un espace stratégique.
L’image que cherche à dresser l’Intendant ne saurait être complète qu’avec l’analyse de la propriété foncière, de sa valeur et de ses potentialités productives. Informations destinées à asseoir la nouvelle base d’imposition, voulue plus équitable, elles donnent lieu à l’édit de création du cadastre de tous les biens des particuliers et des institutions des villages. C’est le 15 janvier 1702 que MELLAREDE est commissionné pour faire procéder à l’estimation globale des richesses familiales . Le document est irremplaçable pour connaître l’importance de la propriété de chaque famille. Il renvoie également, structurellement, à la notion de propriété, et mieux encore, à celle d’exploitation .
Le 24 février, à Saint-Martin, comme de coutume, ce sont les notaire Ludovic RAIBERTI assisté du baile avocat Jean-Baptiste CAGNOLI, et des syndics Jean Pierre CASONE (également notaire) et Jean-Baptiste INGIGLIARDI qui publient les ordonnances nécessaires à sa confection. Elles concernent l’encadastrement de la communauté. L’acte a lieu sur la place devant l’église paroissiale, et après la grand’messe, puis est renouvelé sur la place de la Frairia grande et dans la « maison de la Communauté » , où se tient l’école.
Le 2 avril débute la consigne. Ce sont les trois notaires du village qui s’en chargent.
Enfin, le 2 juin, l’envoyé de l’Intendant, Ignace BORRIGLIONE, avocat et Juge de la Cité de Sospel, se voit missionné de recevoir les déclarations des propriétaires. Ces derniers viennent à tour de rôle consigner leurs biens présents sur le territoire de Saint-Martin entre le 10 et 25 novembre suivant. L’action débute le 22 novembre 1702, en présence de Charles Maurice De TRANS, Conseiller, Sénateur et Préfet pour Son Altesse Royale.
Au total, 15 158 starate 7 motturaux (2 352 ha 6000 m²) sont estimés à 118 697 £ cadastrales pour une imposition de base s’élevant à 118 £ 12 sous 11 deniers 1 point 2/5e. Il s’agira désormais de l’assiette cadastrale à partir de laquelle seront fixées les parts d’impositions de chaque chefs de famille. 17,8 % (423 ha et 2 013 m²) des superficies appartiennent aux propriétaires du lieu, 0,6 % (14 ha 6 180 m²) à des étrangers, et 2,2 % (52 ha 3 700 m²) dépendent d’ecclésiastiques sans pour autant être immunes. Ces dernières représentent également 1,1 % du total (26 ha 6 170 m²).
La Commune possède en propre deux moulins à grains installés dans un seul bâtiment au quartier du Pradagon, avec l’eau nécessaire pour leur fonctionnement. Leur entretien s’élève en moyenne à 150 £ chaque année. Ils sont estimés valoir 3 000 £, pour une imposition de 3 £ annuelles. Deux fours dans un seul bâtiment, rue dellas Augieras estimés à 1 000 £ sur lesquels pèse 1 £ d’imposition annuelle. Un moulin à foulon (paratore) à proximité des moulins à grains estimé à 100 £ et payant 2 sous d’impôt. Viennent ensuite les bandites, pâturages loués : celle du Devenset qui comprend un bois d’épicéas, estimé à 1 100 £ pour un territoire de 2 100 starate (près de 326 ha.), 1 £ 2 sous d’imposition ; celle du Borreon estimé à 1 000 £, couvrant 1 500 starate (c. 233 ha.) pour 1 £ d’impôt ; celle de la Cereisa estimée à 1 000 £ et 1 600 starate (248 ha.) ; celle de Salèses pour 1 050 £ et 2 800 starate (434 ha ½) ; d’autres pâturages mineurs comme ceux de l’Archias estimés à 100 £ (1 200 starate soit 186 ha.), la Maïris estimés à 200 £ (2 000 starate soit 310 ha. ½), le Puey pour 250 £ (1 200 starate), le Pestier pour 20 £ (100 starate, 15 ha ½). Leur imposition globale ne s’élève qu’à 10 sous annuels. Toutes ces étendues de pâturages possèdent aussi des bois que la Communauté protège par ses lois.
Mais c’est bien sur les particuliers que pèse l’essentiel de l’imposition (les ¾), assise sur leurs biens fonciers.
Au final, ces dossiers administratifs permettent à l’Intendant de posséder des données fiables pour rénover l’imposition dans le Comté en lui donnant un caractère plus équitable. Il nous est possible de croiser ces données aux autres sources comptables des villages grâce à la surveillance exercée par l’Intendant pour mieux nous faire appréhender le quotidien du village. Elles rendent possible une meilleure gestion des ressources par les autorités communales comme par l’Intendance.
? Qui ne font pourtant pas des miracles avec des ressources limitées naturellement
C’est dans un équilibre précaire que se forment les règles de la comptabilité communale . Aux dépenses courantes vient s’additionner le coût direct de la guerre et tout particulièrement des prélèvements destinés à fournir aux troupes le ravitaillement nécessaire, à défaut de l’organisation d’une véritable Intendance. La présence de la guerre en est le principal élément de destabilisation. Pour mémoire, le tableau de « répartition des dépenses de fortification et de garnison des troupes royales » de l’État savoyard, que l’on retrouve dans les archives de Lantosque, nous en donne un chiffrage précis qui rend possible la comparaison entre communautés villageoises.
Bien évidemment, les dépenses de guerre ne sont pas occasionnées par le fait des seuls Français. À cette époque, toutes les armées soumettent les pays occupés à de tels prélèvements, comme le note P.-O. Chaumet en citant L. Einaudi qui s’attache à présenter la période de domination savoyarde. C’était déjà le cas en 1697. Nous trouvons l’estimation, avec le prélèvement fiscal, du coût des fournitures de foin. La Bollène, Valdeblore et Saint-Martin fournissent l’essentiel des réquisitions, sans doute parce qu’il s’agit des communautés possédant les principaux et plus vastes pâturages. Seul le cas de Belvédère paraît surprenant, participant « seulement » à 5 % du prélèvement. Son territoire est pourtant riche en zones de parcours. Mais peut-être est-il considéré hors des fameuses Terres de Cour, comme semble le démontrer l’enquête de l’Intendant MELLAREDE quand celui-ci précise que les troupeaux de Saint-Martin pâturent ces Alpes contre le paiement d’une côte part. Nous savons par ailleurs que c’est aussi le cas des troupeaux de Roquebillière .
Restent enfin les prélèvements d’allogement et de garde destinés à éviter et compenser la présence des troupes dans le village… Un paiement qui, malheureusement pour les villageois, ne fut pas toujours suffisant pour les exonérer totalement de cette importante charge, lors des crises politiques du début de XVIIIe siècle . Selon l’échantillon retenu, Saint-Martin et Saint-Dalmas sont présentées comme les communes les plus « aisées ». Elles supportent chacune 26 % de ce prélèvement. Puis vient Lantosque avec 22 %. Notons que la Vésubie ne représente que 7 % du total dû au souverain, alors que Nice, à elle seule, voit cette charge s’élever à 11,8 %.
Le tableau de répartition des dépenses de garnison et de fortification souligne également l’importance des frais engagés par les villages à la fin de la guerre de la Ligue d’Augsbourg (1697). La Vésubie ne représente que 6,6 % du total de l’imposition pesant sur le Comté de Nice. Sa capitale, à elle seule, représente alors 11,8 % des versements attendus. Nous y constatons la montée en puissance des prélèvements fiscaux en mars et mai 1704. Une véritable « marche à la guerre », qui débouche, en mars de l’année suivante, par la première invasion française. L’État s’est délibérément préparé à cette éventualité en s’appuyant sur les finances villageoises pour se doter des moyens nécessaires aux ambitions du souverain. Mais ont-ils été suffisants ?
Pour les communautés de la Vésubie, la part de Saint-Martin s’élevait à 28 % en 1697, mais n’était plus que de 25 % en 1704. Idem pour Valdeblore, 28 % à la première date et 26 à la suivante. Elle ne change pas pour Belvédère et La Bollène (respectivement 12 et 7 %). Mais décroît sensiblement pour Roquebillière (entre 9 et 10 % sur les trois premières dates, mais seulement 4 % en mai 1704). Enfin, elle augmente sensiblement pour Lantosque, de 17 à 25 % de l’échantillon.
Ces ajustements ponctuels montrent que les ressources du village, en temps de paix, 3 ans après la fin d’une guerre (de la Ligue d’Augsbourg), ne sont pas encore totalement remises de l’hémorragie financière et des ponctions effectuées par l’armée et l’État. Pourtant, celui-ci n’hésite pas à ponctionner autant qu’il le peut dès le retour de la guerre. Il fait encore plus peser le poids de ses impôts sur les communautés villageoises, au risque d’obérer sensiblement leurs disponibilités financières. Les impôts deviennent de cette manière pérennes et participent à l’installation d’une gestion « moderne » des finances des villages .
Il est temps de s’interroger sur la richesse réellement estimée de ces communautés montagnardes. Vu l’empressement de l’Intendant à solliciter et recevoir les réponses des villages, nous comprenons qu’il s’agit-là d’une priorité pour l’État. Son représentant provincial se voit confier la mission d’estimer au plus juste la capacité financière de chaque village, mêlant, dans un trait d’une modernité certaine, communautés municipales et paroissiales, s’attachant à décrire par le détail le moindre revenu décelable dans le maquis des ressources villageoises . Les 7 et 8 septembre 1697, sous la rédaction d’un personnage que nous connaissons déjà, le notaire Jean André CAGNOLI, sous le regard de l’huissier (messo giurato) Honoré INGIGLIARDI, le témoignage de Joseph RAIBERTI et François VEGLIO, les syndics Antoine COTTIGNOLI et Jean Louis PLENT documentent l’enquête de l’Intendant. À cette époque, le Comté vient d’être restitué à son souverain légitime, le duc de Savoie, après une période d’occupation française. Il est temps de faire un bilan. L’Intendant en est bien conscient quand il rappelle que « havendo la Communità riddotto li carrichi a tal segno a causa delle spese fatte nella passata guerra, e convieno medesima contunuare in tal modo » . Il souligne la fragilité des finances locales dont il rend justement responsable la guerre. Pour lui, ces mêmes finances servent avant tout (et la première place dans le descriptif n’est sûrement pas anodine) « au paiement du Donatif, aux dépenses ducales, à la visite du Juge de la Viguerie de Sospel, aux menus services, aux réparations des routes ducales qu’il faut régulièrement entretenir car le pays est sujet à ravines et désastres considérables, au maintien du maître d’école, au paiement du mandat des conseillers et de la viguerie, au passage des piétons, et de très nombreuses autres dépenses qui journellement nous affligent ». De plus, MELLAREDE rappelle que le village doit encore apurer la dette de 12 000 £ « à payer aux finances de Son Altesse Royale pour la libération de l’Inféodation », grevant également les finances municipales par le paiement annuel d’un intérêt de 5 %, et pour lequel il a été nécessaire, durant les années de guerre, d’emprunter.
Mais il souligne à plusieurs reprises la pauvreté du lieu, en rappelant, par exemple, qu’une fois payée la dîme des grains (céréales), pour moitié à l’évêque et au prêtre commendataire de Fenestres, et retiré les semences, il ne « reste que peu ou rien aux particuliers pour vivre » ; que les châtaigniers « sont situés en majorité in rippe » (sur les pentes) et ne valent que « les revenus de la 3e qualité des terrains de seigle et rien de plus » ; que malgré l’étendue des quatre bandites de ses alpages, « une partie des particuliers du lieu mène à paître leurs animaux dans les montagnes de Sospel, Moulinet, Lantosque et Valdeblore ». Une autre richesse de la communauté est constituée par ses bois communaux qui sont exploitables « tous les 30 ans environ » et qui rapportent jusqu’à 1 800 £, somme pourtant remarquable.
Le territoire utile s’étend, d’après cette enquête, sur 1 026 émines de prés (env. 80 ha.), mais 36 % (377 émines, soit un peu plus de 29 ha.) appartiennent « aux biens dépendants à l’Église, hôpital et aumônes… dans les meilleurs fonds du lieu ». Et, allant dans le même sens, « les ¾ des autres terrains cultivés sont tenus en emphytéose perpétuelle, une partie sous la direct de S.A.R., la majeure partie sous la Commende de la Madone de Fenestres – annexée au prieuré de ce lieu -, une part aux églises et chapelles, et une part aux frères GUBERNATIS ».
Ces terres, réputées immunes – ce qui les exemptes de fait de toute imposition – sont ensuite décrites par le menu. Au total, 18 ecclésiastiques qui détiennent entre leurs mains l’équivalent de 148 £ ½ cadastrales, auxquelles s’ajoutent 238 £ de revenus de rentes. De leurs côtés, les rectories et aumônes reçoivent 185 £ ¼. Sous la plume de l’Intendant, la volonté d’identifier par le menu et séparer les biens réellement réputés d’Église de ceux tenus par les ecclésiastiques sans pour autant être exemptés, révèle la volonté de ne rien laisser échapper au Fisc. Ces précisions sont dictées par la volonté de voir peser l’impôt de manière équitable sur les biens réellement productifs et bénéficiant aux seuls intérêts particuliers.
Et ce, d’autant plus que l’impôt n’est pas tout, même s’il représente l’essentiel de la dépense communale. Les comptes de l’année 1700-1701 , période de paix, le confirme, avec 56 % de la dépense annuelle, soit 2 355 £ 15 sous 9 deniers. Ajoutés aux 20 % des remboursements d’emprunts et intérêts (821 £ 12 sous 11 deniers), ces lignes budgétaires mobilisent les ¾ des finances villageoises. À noter que dans le même temps, les dépenses à caractère militaire ne s’élèvent qu’à 1 % environ du total : 49 £ 5 sous.
C’est pourtant dans l’entretien de son patrimoine que la Communauté villageoise est censée intervenir le plus régulièrement. Ponts et routes représentent 115 £ et 4 sous (3 %) ; les fours et moulins 64 £ et 13 deniers (2 %) ; les rémunérations des personnels communaux, agents et élus, forment une dépense non négligeable s’élevant à 490 £ 17 sous et 11 deniers (12 %). Si l’on ajoute les dépenses inhérentes à la Religion, aussi bien en terme d’améliorations matérielles que de pratique, 258 £ (soit 6 %), l’action personnelle et directe de la Communauté en terme d’investissements et de fonctionnement ne s’élève pas même au ¼ du total.
L’analyse de cette même comptabilité en terme de nombre de lignes budgétaires confirme l’importance de ces derniers aspects dans la vie quotidienne. 89 écritures de dépenses sont passées cette année. Les impôts n’en représentent que 9 % (8 actes), concernant principalement le paiement du Donatif en mars, juin, septembre et octobre (pour 435 £ 4 sous 4 dernier le premier, puis 601 £ 17 sous 8 deniers les versements suivants). Inversement, les rémunérations communales en représentent plus du tiers, avec 30 écritures, le plus souvent pour des montants très modestes : 5 sous pour avoir porté le budget sur sa mule, 15 sous pour le piéton envoyé au Sénat ou ailleurs, 1 £ 6 sous pour un piéton arrivant au village ; ou encore des salaires annuels versés au croque-morts (il beccamorte, 2 £), entre 2 et 4 £ la journée vaquée par les officiers municipaux ; 7 £ 5 sous au baile pour ses défraiements selon la coutume ; à l’huissier (27 £), au Secrétaire de la Communauté (29 £), au maître d’école (185 £ et 10 sous – le 3 octobre 1700, il s’agit de Dom André BAILE, assisté du clerc Pierre INGIGLIARDI , le 4 septembre 1701, le maître est le même mais son clerc est désormais Dom Jean-Honoré BALDONE )…
Les lignes correspondant aux dépenses nécessaires à l’Église sont relativement importantes, et engagent avec le précédent chapitre une part importante des ressources du village. 15 lignes correspondent à ces frais : les « honoraires » du prêtre-commendatore pour 139 £ ½ viennent en premier lieu ; l’huile du Luminaire et le cierge Pascal sont également une dépense importante, respectivement 37 £ ½ et 9 £ 12 sous. Ou encore 8 £ pour le carillonneur… et 8 £ ½ pour la fête votive de la saint Roch. Mais 3 sous seulement pour les chandelles de consécration de l’église. La pratique religieuse nécessite par contre des dépenses exceptionnelles, comme celles concernant la conversion de personnes ou famille « à la Foi », Luthériens revenus dans le giron de la Sainte Église, pour 1 £ à chaque fois. Au total, 4 familles reviennent à la Vraie Foi cette année là à Saint-Martin.
Les dépenses de « Religion » comportent aussi des investissements, qui correspondent cette année là plus à de l’entretien. Une corde pour l’horloge (2 £ 4 sous) ou son entretien (16 £), la réparation du clocher (1 £ 13 sous), mais aussi la réparation du sol de l’église et de la sacristie pour 28 £ 5 sous, comme il avait été ordonné par les syndics par délibération du Parlement du 3 février 1701 .
Ce sont pourtant les frais occasionnés par l’entretien des routes et des ponts qui forment l’essentiel des actions de la Communauté. Cette dernière obligation est régulièrement rappelée par les autorités de tutelle, l’Intendant ayant fait le constat des « ruines et désastres » météorologiques qui touchent invariablement la montagne niçoise. S’il s’agit de maintenir les chemins, c’est avant tout pour permettre le passage des hommes et des biens… On se rappelle que la Communauté avait ordonné (et financé) quinze homme d’Entraque, pour un jour de vacation, afin d’ouvrir le Col de Fenestres très tôt dans la saison, le 22 juin 1698 , alors qu’il était encore enneigé. Nous sommes alors en situation de paix. Le commerce est alors nécessaire et vital, anime les deux versants des Alpes. Ce qui n’est plus le cas, pour des raisons stratégiques, lors de la deuxième occupation française, malgré le traité de libre circulation du 23 août 1705, après 1707 et jusqu’en 1712 , quand la route est réouverte sous conditions de surveillance.
Ce sont 6 journées, puis de nouveau 6, puis encore 9 journées de vacations « pour réparer les routes de Salèses » (11 £ 5 sous). Cette année, la route de la Madone de Fenestres n’est pas l’objet de travaux. Ou encore la réparation des ponts du Cavalà (Cavalet) et de Cerisa (2 £) ou celui de Serra Cremaou (1 £ 18 sous), de Saint-Nicolas y compris les poutres de mélèzes qu’il a fallut replacer et 4 journées de main-d’œuvre (8 £ 8 sous), dellas Faciarias (15 sous), de Saint-Lazare, celui du Touron (73 £ 10 sous), ou avoir réorganisé le lit de la rivière sous le pont (1 £ 10 sous)… la liste est longue et récurrente.
La Communauté villageoise, à l’instar de celle de Saint-Martin Lantosque, est soumise, au tournant du XVIIIe siècle, à de multiples obligations. Celles d’une gestion désormais habituelle de ses ressources, qui l’amène à investir dans les structures communales, à rémunérer un personnel toujours plus spécialisé et présent, ou encore de la gestion quotidienne des ponts et chaussées… Mais ce qui semble le plus redouté est la présence physique du soldat, synonyme de dégradations profondes, de traumatismes sociaux… La Communauté semble prête à tout pour l’éviter. L’intervention de l’État, sous la forme de prélèvements fiscaux ou/et des dépenses militaires qu’il impose, joue un rôle déstabilisateur de l’organisation financière locale. Pourtant, il oblige à accepter des transformations rapides, faisant montre d’une capacité d’adaptation qui aurait pu passer inaperçue. Mais cela n’est pas allé sans difficultés…
2. Inventer une gestion de crise
La succession rapide des périodes de crises militaires obligent les Communautés villageoises à vivre plus souvent d’expédiants. Ces temps de guerre fragilisent encore plus cette situation déjà naturellement critique. L’analyse globale des dépenses démontre sans équivoque l’importance du poids financier de la guerre sur les ressources communales dès le début des hostilités. Ce sont bien les dépenses imposées à la Communauté qui appellent à la recherche constante de ressources exceptionnelles. À y regarder de plus près, il semble possible d’identifier une première hausse, en 1702, consécutive à la mise en place de la nouvelle politique fiscale de l’État. Jusqu’en 1704, le village de Saint-Martin semble bénéficier d’un apaisement de la tension budgétaire. Par contre, dès l’entrée en guerre, les finances du village doivent être… multipliées par 5 ! puis connaître une nouvelle hausse spectaculaire en 1708, autre moment fort de l’affrontement politique. Globalement, entre 1701 et 1711, la tendance est très nettement à la hausse des dépenses. En moyenne, le volume budgétaire requis est multiplié par 3 durant l’ensemble de la période…
L’analyse des comptes de 1706-1707, un temps de forte tension politique, peut servir de comparaison. Si les dépenses de gestion de la Communauté n’ont pas évolué (17 % pour les deux comptes), le poids de la dette s’est sensiblement accentué (de 20 à 25 %, avec + 38 % de versements numéraires supplémentaires) alors que dans un même temps celui de l’impôt a diminué à conséquence, mais bien peu en volume monétaire (92 % du prélèvement de 1700-1701).
Par contre, l’activité de la Communauté a profondément changé de nature. Les interventions concernant les ponts et les chaussées ont été multipliées par 2, celles des fours et moulins par 3… mais les rémunérations des personnels communaux ne représentent plus que 28 % de lignes d’écritures contre 35 précédemment. Les emprunts et lignes d’intérêts ne varient pas en terme de fréquence. Par contre, celles de l’impôt semble plus réglées, se limitant aux simples versements désormais attendus.
Alors, pour répondre à ces nouvelles exigences du temps de guerre, quelles solutions apportent les villages ? Face à ces urgences, la communauté villageoise recherche des ressources exceptionnelles.
? Le volant d’équilibre : la coupe de bois
C’est tout naturellement que les édiles locales se tournent vers la principale ressource locale qui peut leur donner un volant d’action suffisant : la forêt communale. Certes, toutes les communautés ne peuvent se prévaloir de telles « richesses potentielles ». L’enquête MELLAREDE le confirme d’ailleurs.
Saint-Martin possède des bois en propre, ce qui n’est pas toujours le cas d’autres villages. Dans l’enquête de 1697 , ils sont répartis en quatre catégories. 131 ha et 7 000 m² pour la première, pour un revenu de 2 £ 5 sous la journée de terrain ; superficie équivalente pour la deuxième catégorie pour un revenu deux fois moins important ; la troisième catégorie ne couvre plus que 263 ha et 7 000 m² à raison d’½ de £ la journée ; enfin, la quatrième catégorie, avec 186 ha 9 000 m² pour ¼ de £ la journée… Au total, les bois couvrent un peu plus de 714 ha. et représentent un revenu fiscal estimatif de 1 592 £ ½. Ce revenu moyen est réputé par l’enquête renouvelable tous les 30 ans, ce qui, au final, réduit fortement le potentiel de la ressource à un peu plus de 53 £ fiscales par an.
Autre élément minorant, ces bois peuvent recevoir, du moins en partie, le pâturages des troupeaux locaux. Mais la pratique, destinée à apporter un complément de fourrage (le « feuillage »), est souvent cause d’un mauvais renouvellement naturel de la forêt et de ravines profondes et destructrices. Inversement, les forêts sont parfois associées aux pâturages des bandites, caractéristique qui est prise en compte lors des adjudications et qui a dans ce cas un caractère marjorant. Pourtant, une double difficulté doit être surmontée. Tout d’abord, trouver l’entrepreneur capable d’investir les sommes importantes que demande cette exploitation ; ensuite, se faire payer…
En premier lieu, il convient donc de trouver l’entrepreneur qui accepte de soumissionner pour la coupe proposée. La Communauté lance l’appel d’offre, après avoir obtenu l’autorisation de l’Intendant. C’est le cas, par exemple, le 29 juin 1703, quand le Conseil se déclare encore débiteur de 1 500 £ du Donatif. Mais comme la récolte a été mauvaise, l’autorité municipale ne peut prélever de nouvelles contributions sur les habitants. Elle décide donc « d’obtenir de l’Intendance l’autorisation d’aliéner une quantité d’arbre de serente attenant aux bois du Boréon pour les vendre à Honoré FIGHIERA et se servir des revenus obtenus pour éteindre les débits du Donatif et des taxes royales » . L’Intendant en accepte le principe, et, le 22 juillet, il est ordonné que les bois soient pris dans les forêts de Cereisa et Aigliera « en faisant précéder d’un marquage des dits arbres … dès qu’ils auront atteint la mesure de 4 palmes de circonférence à une hauteur de 3 palmes du sol » . L’autorisation a été obtenue à la suite des bons offices de Pierre RAIBERTI, qui s’est rendu à Nice, et qui reçoit, pour son dédommagement, 2 £ par jours pour sa vacation, auxquelles s’ajoutent des dépenses de 7 £ 14 sous, prises en charges par la Communauté. Le même jour, le Parlement de Saint-Martin ordonne qu’il soit procédé au marquage des arbres « de bonne mesure » . Mais l’appel reste infructueux. 7 jours plus tard, le Parlement constate toujours le défaut de candidat. Le 5 août, toujours personne… mais le Parlement s’inquiète de l’ordre donné par l’Intendant de devoir « loger 2 soldats aux frais de la Communauté jusqu’à ce qu’elle ait payé ce qu’elle doit au Patrimoine Royal ». Le syndic est missionné pour se rendre à Nice, le 19 août, afin de purger la dette de la Communauté. Pour cela, le Conseil se réunit une nouvelle fois le 10 août pour décider d’un emprunt qui pourrait être gagé sur la vente des bois à venir. Mais le 12, la réunion est de nouveau infructueuse, « personne ne s’est présenté pour l’achat des bois ».
Arrive l’échéance du 19. Il devient urgent de valider la ferme, aussi, en dernier recours, après plusieurs présentations infructueuses de l’enchère, l’autorité municipale fait appel aux notables locaux, qui acceptent visiblement avec beaucoup de réticence. Pour donner plus d’autorité à la demande, c’est le Parlement qui se réunit. On trouve une demi-solution, en interne. C’est finalement le syndic PLENT qui s’offre « en partie, pour 13 sous par arbre, la moitié à payer immédiatement, l’autre sous trois ans si personne ne se présente d’ici dimanche prochain ». La solution envisagée semble alors débloquer le système. Le Conseil du même jour reçoit la proposition du notaire Jean André CAGNOLI, qui « offre 15 sous par arbre, soit 4 000 £ en tout », sous les mêmes conditions… Comme personne ne se présente le dimanche suivant, il emporte définitivement l’enchère.
La Communauté a donc trouvé une solution, au prix d’un effort très important qui met au jour les tensions existantes sur le marché local, l’impossibilité de trouver un entrepreneur extérieur. Les temps ne sont pas à la prise de risque, le meilleur disant ne trouve pas toujours preneur. Et on imagine que les adjudicataires potentiels sont encore plus prudents en temps de guerre. Toujours est-il que dans ce cas comme dans bien d’autres, c’est en se tournant vers les notables du village que la Communauté obtient les moyens de répondre aux invectives fiscales de l’État. Il a tout de même fallut un mois et demi pour clôturer l’affaire, qui se résout au final par une mise en concurrence entre deux lignages dominants. Malgré toutes les réticences exprimées, l’affaire semble financièrement intéressante.
Et pourtant… le 2 septembre suivant, la Communauté se retrouve une nouvelle fois dans une situation financière difficile. Ce que nous appellerions aujourd’hui un manque de trésorerie oblige de nouveau le Conseil à rechercher du numéraire. Mais « il n’a pas été possible de trouver à emprunter les deniers nécessaires au paiement des impôts royaux ». Et c’est une nouvelle fois vers les bois d’œuvre que se tourne la municipalité pour trouver les moyens nécessaires au règlement de sa dette fiscale. Cette fois, c’est André RAIBERTI qui est député à Nice pour « porter la proposition et informer les marchands de la vente d’une grande qualité des bois ». Mais par précaution, il est également entendu d’obtenir l’autorisation de l’Intendant, dont le regard sur les finances locales se fait plus pressant, pour « emprunter les deniers nécessaires à n’importe quel particulier » .
L’autre risque n’est pas propre aux temps de guerre. Il s’agit de longs procès attentés aux entrepreneurs des bois peu scrupuleux. Les archives municipales peuvent en témoigner . Le preneur de l’enchère de la coupe des bois est alors un entrepreneur, généralement installé à Nice. Une fois les arbres abattus – encore faut-il être attentif à éviter les abus de coupes, il n’est pas rare que plus d’arbres soient prélevés indûment – descendus jusqu’au Var par flottage, il faut encore se faire payer. Si les premiers termes sont généralement versés sans trop de difficultés, le reliquat l’est plus difficilement… ce qui met dans l’embarras les finances communales qui en attendent une rentrée rapide de numéraire.
Les règlements communaux font apparaître de multiples précautions mais ne peuvent parfois pas s’opposer aux nécessités absolues dans lesquelles se trouvent les villages face aux prélèvements des temps de guerre. Ces difficultés déjà récurrentes en temps de paix, deviennent plus intenses et sont encore aggravées lors des guerres. Se rajoutent alors les ponctions militaires qui sont globalement du même ordre mais touchent encore plus profondément la Communauté villageoise.
À Saint-Martin, la ressource offerte par la forêt paraît donc essentielle durant toute cette période. La Communauté a d’ailleurs la certitude qu’il faut assurer sa protection. Les anciennes ordonnances cherchaient déjà à protéger les forêts des essartages sauvages. C’est déjà le cas le 28 juin 1562, quand le Parlement interdisait de cultiver dans les bois du vallon de Fenestras, della Seriesa, de Saleses sous peine de saisie des céréales produites et d’une amende « arbitraire » . En fait, si l’on en croit la réponse de l’Intendant à la fin du XVIIIe siècle, alors que la Communauté de Saint-Martin cherche à faire réviser ses statuti campestri, les lois locales ont toujours cours et s’appuient encore sur les statuts du Val de Lantosque édictées par les comtes de Provence.
Il semble pourtant essentiel à la Communauté de rappeler régulièrement ces interdictions, de mettre en défens (protection temporaire dans l’année) certains quartiers qu’il faut soustraire à la dent des troupeaux ou au magaï des défricheurs. Sans doute parce que leur transgression n’est pas rare. C’est ce que rappelle l’ordonnance du 4 janvier 1573, qui interdit de « travailler ni faire du bois » dans les quartiers de Los Valieros et de La Fontasso « ni en d’autres lieux où s’applique le ban » [l’interdiction] sous peine d’une amende prohibitive de 10 florins , somme considérable.
Au début du XVIIIe siècle, c’est l’État qui prend à sa charge le rappel de cette protection. Le Conseil statut, le 29 mai 1701, sur un ordre reçu de la part de l’Intendance, le 16 février précédent, afin qu’il choisisse un « site d’une capacité de 100 starate [15 ha ½] propre à devenir une pépinière d’arbres de sapin, épicéas, pins et mélèzes ou autres résineux, sur lequel personne n’aura le droit d’abattre ni travailler, pour la conservation des bois » . Le Conseil se prononce pour installer la « pépinière » dans le bois de Pestier, au sud du village, où existent déjà des pins. Les syndics doivent faire établir le périmètre par deux experts connaissant le dit territoire.
Trois jours plus tard (le 1er juin), le syndic CASONE et les experts Joseph BROCARDO et François BALDONE ont procédé à la délimitation. Son pourtour est indiqué par des croix, et publié par crieur public « afin que personne n’y aille faire paître, semer… », sous peine d’amende .
Le 5, enfin, les prohibitions devant protéger les bois sont renforcées : interdiction à quiconque de couper des arbres pour leur usage personnel, bien entendu sans abus et en dehors des bois interdits, sans l’autorisation des officiers de la Commune. Ils devront payer un droit de 5 sous par arbre ; ou encore interdiction à quiconque de faire du charbon sans autorisation de la Communauté sous peine d’1 écu d’or, et avec l’autorisation devra payer un droit d’1 sous par sac de charbon qui devra être versé avant de retirer le sac…
Le sensible renforcement des règlements de protections en ce début du XVIIIe siècle semble avant tout conjoncturel, même si la Communauté a toujours cherché à protéger cette ressource. Il est possible d’y voir le poids des guerres passées, la certitude d’y avoir perdu une part importante de la richesse du territoire suite aux réquisitions, destructions accidentelles ou non, à la pression économique qui incitait à cultiver tous les espaces disponibles… les raisons sont multiples. Mais il y a aussi l’intérêt relativement récent qu’y porte l’État, déléguant à l’Intendant le soin d’y porter surveillance. Ne dit-on pas encore que les bois de Venanson auraient été abattus afin de construire La Royale à Toulon ?
Il est donc certain que la coupe forestière apporte un complément appréciable aux finances communales, à condition qu’elle ne devienne pas régulière, sous peine d’épuiser définitivement la ressource. Devant ce risque, il est alors nécessaire de trouver d’autres expédients.
? Une gestion d’urgence qui oblige à l’anticipation des versements
Dans les faits, la guerre implique de multiples versements destinés à satisfaire les besoins quotidiens de la troupe, sans que jamais les villages puissent savoir ni à quoi est réellement destinée la ponction, ni si elle sera remboursée, ni même quand ce mode de prélèvements prendra fin. Elle traverse ces périodes de crises dans une précarité destabilisante.
Les comptes communaux énumèrent en une litanie tragique les ordres de versements qui écrasent le village. Les « piétons » se succèdent avec une impressionnante régularité, porteurs de ces ordres et de nouveaux « réparts » que la Commune doit honorer. De Peille, Lantosque, ou Sospel, sinon directement Nice, proviennent ces ordonnances de paiements.
Les deux cartes précédentes mettent en évidence les liens réguliers qu’entretien la Communauté de Saint-Martin avec d’autres cités. Les deux périodes choisies permettent d’établir l’importance réelle de la guerre sur ces mouvements. Lors de l’exercice 1700-1701, les comptes communaux font apparaître l’engagement de frais de mission concernant les piétons venus ou partis du village, ainsi que ceux dus aux officiers municipaux ou à leurs députés auprès d’autorités militaires et politiques extérieures. Au total, 18 relations ont pu être relevées. Il existe un premier cercle relationnel. On y trouve Venanson et Belvédère, mais aussi Lantosque, ce dernier à la suite d’un acte de justice consécutif à la fuite et à l’arrestation d’un certain Jean Baptiste GUIBERT. Nice est sans surprise le principal lieu de destination des missions (7 occurrences). Diffusion d’actes administratifs, ordres des levées d’impôts ou de soldats, raisons financières, telles sont généralement les raisons de ces déplacements. Plus surprenant est la mission dirigée depuis Breil en Roya. Elle concerne l’ordre d’envoyer des animaux de bât pour transporter des effets militaires. De fait, sur les 18 relations enregistrées, 5 concernent directement des raisons militaires, même en temps de paix.
Le choix de l’exercice 1706-1707 a été réalisé afin de pouvoir s’interroger sur l’importance du fait militaire. Nous sommes alors en pleine guerre de Succession d’Espagne. Le Comté est occupé, la citadelle de Nice est tombée . Ou du moins sont-ils sous occupation française jusqu’à la contre-offensive savoyarde, de début juillet à début septembre 1707.
Cette année, militairement active, se caractérise par le doublement du nombre de relations extérieures entretenues par le village : 39 échanges ont lieu. Plus encore, sa cartographie démontre l’élargissement et la complexification de l’échelle relationnelle. 10 destinations sont concernées, contre 5 pour la période précédente. Nous y retrouvons toujours le cercle immédiat du voisinage, mais cette fois renforcé : Saint-Dalmas, Venanson, Roquebillière, Belvédère, Lantosque. Nous retrouvons aussi les liens qui unissent Saint-Martin à la capitale de sa viguerie, Sospel, où siège durant toute la période le Conseil des villages (10 échanges). Mais aussi, et plus loin, L’Escarène, Villefranche, Nice bien entendu, et même Turin. Les relations fiscales avec Sospel et Nice se complètent des ordres de réunion des différentes instances administratives chargées de gérer la crise. C’est cette dernière raison qui explique l’envoi à la capitale, Turin, d’un messager, qui est par ailleurs originaire de Belvédère et qui représente les communautés réunies en cette occasion à Roquebillière. Ces différentes relations mettent également en évidence une gestion plus collective que l’on aurait pu l’imaginer de la crise, de la répartition de l’impôt et de la présence militaire. Elle n’est pas seulement imposée par la nécessité légale de partager le poids de la nouvelle fiscalité. Cette organisation établie des relations et des actions solidaires entre les villages. Mais dans de nombreux cas, ces relations sont imposées par la nécessité de transférer des sommes d’argent ou des biens matériels (fromages, veaux…) destinés à compenser le manque de numéraire.
Enfin, replacées dans leur succession chronologique et non plus dans leur espace, ces relations indiquent les « moments de tension ». Aux alentours des 45 et 48e semaines, se déroule à l’évidence un événement remarquable. Le 16 novembre 1706, le conseil des communautés doit se tenir à Roquebillière, pour des raisons fiscales et militaires. Le 18, l’ordre de levée militaire est donné, pour 10 soldats à Saint-Martin. Le même jour, 4 relations différentes sont ordonnées, l’une à destination de Nice, l’autre de Venanson et Valdeblore, une dernière enfin vers Turin… mais le lendemain, nous atteignons les 7 relations : le Conseil tente d’éviter la levée militaire… alors même que les Français sont annoncés comme étant « déjà voisins de Lantosque ». Enfin, dans la nuit, un dernier piéton arrive à Saint-Martin, annonçant la prise du poste de Lantosque et de La Bollène… C’est l’alarme ! Les autorités villageoises ne trouvent rien de moins urgent que d’envoyer dès le lendemain matin 8 hommes au Touron, quartier en aval du village, pour « rompre la route » (et le pont) afin de ralentir la progression de l’adversaire. Peine perdue puisque le village est occupé.
Face à de telles urgences, la Communauté villageoise doit parer aux besoins de la troupe, nombreux durant cette période agitée. L’analyse comparative des comptes de 1706-1707 et 1709-1710 nous permet d’estimer les différents types de pressions qui s’exercent sur la Communauté de Saint-Martin. Les trois grands types de dépenses (impôts, emprunts, frais militaires) s’échelonnent sur la totalité de l’année comptable.
Pour la première période, que nous estimons « relativement calme », précédant de quelques mois avant la contre-offensive piémontaise qui voit passer par le col de Fenestres 7 000 soldats , le total des dépenses du village s’élèvent à 4 548 £ 15 sous 6 deniers. Elles ont plus que doublé pour l’année référence suivante, au cœur de l’occupation française : 9 242 £ 7 sous 5 deniers. Suivant ces très importants changements, les trois dépenses principales regroupent déjà et respectivement 73,3 % et jusqu’à 82,73 % pour l’année terrible de 1709-1710.
En y regardant dans le détail, il existe une inversion complète des prélèvements entre 1706 et 1710.
La première année, les prélèvements fiscaux concernent plus de la moitié des sommes (52,40 %, soit 1 746 £ 14 sous 2 deniers, quasiment le budget d’une année d’avant-guerre). L’encours de la dette (remboursement de capital et intérêts) s’élève alors à plus d’¼ des sommes (26,57 %, 885 £ 15 sous 5 deniers).
Par contre, la deuxième année voit le volume des prélèvements militaires s’envoler, avec 57,45 % du total (4 393 £ et 2 deniers). Somme considérable, plus de deux fois, à elle seule, le budget d’une année d’avant-guerre ! Et cela alors même que les impôts ont progressé, en valeur absolue, de plus de 50 %. !
Avec cet exemple, concernant Saint-Martin-Vésubie, nous touchons là le poids réel d’une année de guerre, pesant sur les finances et le quotidien d’un village.
Ces dépenses de guerre s’organisent en plusieurs thèmes : tout d’abord les ustensils que les communautés doivent fournir aux troupes et qui consistent, selon L. Merlet cité par P.-O. Chaumet, en « une table et deux bancs, un pot de terre pour la soupe, une nappe, une cuillère d’étain ou de bois à chaque soldat, une cruche, une assiette à chacun, un sceau, un torchon… une couchette avec une paillasse, un matelas, un traversin, une couverte et une paire de draps que l’on changera tous les 20 jours ». Peut-être n’est-ce pas cela à Saint-Martin, mais l’exemple est suffisamment éloquent pour donner une idée assez précise de ce que l’on attend des populations en cas de logement militaire. Le remplacement du paiement en nature par celui en numéraire pose d’autres problèmes mais soulage l’ensemble du village de la présence de la soldatesque. En 1709, le 16 juin pour 48 £, le 10 août pour 114 £ 13 sous 4 deniers, le 31 décembre pour 114 £ 13 sous 4 deniers ; ceux du 7 avril pour 114 £ 13 sous 4 deniers ; Enfin, ceux du 12 juin pour le commandant de Sospel pour 244 £ 16 sous… Au total, 636 £ 16 sous pour cette seule année, 1 fois ½ ce que rapportent aux finances communales les pâturages sur l’année.
Et les dépenses militaires ne s’arrêtent pas là. Pour se limiter aux plus importantes, de nombreuses garnisons réclament une taxe spéciale d’entretien aux villages : les riparts. Les demandes sont régulières et importantes : Ripart d’Utelle du 22 juin (95 £ 12 sous 6 deniers) ; de Lantosque le 18 juillet (95 £ 12 sous 6 deniers) ; celui de Sospel le 13 septembre (228 £ 16 sous 4 deniers) ; ou encore aux piétons qui portent les différents riparts de Sospel (22 décembre, payé le 7 janvier suivant pour 112 £ ½), de Lucéram (27 du même mois), de Lantosque et de L’Escarène (tous deux le 30, payés le 18 janvier suivant pour respectivement 176 £ ¼ et 53 £ 6 sous 8 deniers)… un nouveau ripart de l’Escarène pour 85 £ 8 sous 4 deniers le 27 février ; à nouveau celui de Lucéram le 14 mars pour 281 £ 17 sous 6 deniers… Au total, 8 prélèvements pour un total également considérable de 1 129 £ 8 sous 10 deniers, soit plus encore que ne rapportent le grand four et les moulins à la Communauté la même année.
Ce sont aussi les fournitures de fourrages, que la Communauté évalue dans l’espoir de se faire rembourser grâce à la facture transmise lors de la réquisition. Nécessaires pour subvenir aux besoins d’une troupe accompagnée de nombreux chevaux et animaux de bât, ce sont les communautés les mieux pourvues qui supportent l’essentiel de ces prélèvements. Pour Saint-Martin, ce sont 705 £ le 4 juillet, puis 191 £ 5 le 12 septembre, ou encore 437 £ 10 sous le 29 septembre (1 333 £ 15 sous pour l’année).
Mais il faut aussi s’occuper de l’approvisionnement des détachements militaires qui transitent par le village. Ils reçoivent, pour leur entretien, du pain, vin et fromage pour 14 £ 11 sous le 31 juillet ; pour celui qui passe de Lantosque en Valdeblore le 24 octobre (5 £ 8 sous 5 deniers), et sans doute le même à son retour le 28 (7 £ 13 sous 4 deniers) ; ou encore celui venant de Sospel sous la direction du Capitaine Joseph PEGLIONE, le 16 février auquel il faut fournir les mêmes produits pour 6 £ 6 deniers ; enfin, celui venant de Lantosque le 16 avril pour 3 £ 10 sous 6 deniers et le passage du Commandant de Lantosque se rendant à Saint-Étienne le 2 juin pour 2 £… Les sommes sont plus modestes. Elles concernent directement l’achat de produits locaux à des producteurs eux-mêmes locaux. Mais il est nécessaire de les engager rapidement, sous peine de voir la troupe se nourrir sur le pays. Il en va de la crédibilité de l’autorité communale et de sa capacité à protéger le citoyen.
Il existe enfin des « cadeaux » (regali) et butins (buttini), produits en nature que la Communauté adresse à différentes autorités desquelles elle espère les bonnes grâce ou qui les réclament comme formes de versements directs. C’est le cas de ces veaux envoyés à Lantosque le 30 juillet 1709 ou encore le 9 janvier 1710 sur ordre du Comte D’ARTEGNAN (veau pour lequel la Communauté est obligée de provisionner une perte d’1 £ ½ puisqu’il avait été acheté à Jean Pierre MACARI à raison de 5 sous le rub) ; ou de cette vache envoyée à Lantosque le 22 août ; ou encore de ces fromages destinés à amadouer les autorités, comme ceux que reçoit le Secrétaire de l’Intendant, destiné à « pouvoir avoir la provision de viande promise aux officiers de Lantosque ».
Au total, la Communauté de Saint-Martin est ponctionnée pour ce seul exercice 1709-1710 des ¾ de ce que lui a coûté le rachat de son inféodation quelques années plus tôt (9 242 £ contre 12 000 £), autant dire qu’il lui faut aller au-delà des seules ressources extraordinaires que pouvaient lui offrir les coupes forestières.
C’est dans un premier temps vers les adjudicataires des fermes municipales, notables du villages, que la Communauté se retourne. Ils sont alors les seuls à disposer encore des ressources monétaires suffisantes pour satisfaire ces besoins massifs et immédiats. On peut d’ailleurs légitimement se demander comment ils les possèdent encore après plusieurs années de guerre... La Communauté obtient d’eux, de bien « vouloir anticiper le paiement à compte et en déduction de ce qu’il doit », auprès de l’avocat (François André) CAGNOLI, le 16 août 1705, « de la somme de 1 500 £, devant l’urgence des besoins » . Ou encore en percevant les fermes des moulins et fours bien plus tôt, demandant aux preneurs des enchères publiques de bien vouloir verser le reliquat avant l’échéance de la saint Michel.
Mais la ressource est limitée par nature aux seules prises d’intérêts provenant des fermes ou des contrats publics. Devant l’urgence, il est nécessaire d’obtenir encore d’autres ressources. Et pour cela, seul le prêt semble encore possible…
? Le prêt comme mode de gestion courante
À parcourir les comptes communaux, les emprunts contractés par les autorités municipales sont nombreux. Une forme est privilégiée, celle du prêteur local. Mais il ne s’avère pas toujours possible de faire appel aux notables villageois, soit qu’ils ne puissent plus subvenir (ou ne veuillent plus), soit qu’il soit parfois plus sage, pour toutes sortes de raisons, de rechercher le financement à l’extérieur.
Nous nous souvenons que la pratique est déjà ancienne. Elle avait été utilisée pour contrer la tentative d’inféodation du village en 1684 , grâce aux prêts consentis par les principaux notables du village. Dette qui n’est toujours pas éteinte lors de la première occupation française comme le remarque l’Intendant MELLAREDE.
C’est d’ailleurs ce même intendant, et lors des périodes l’autorité française le Gouverneur, qui autorise les villages à emprunter, après en avoir été saisi de la demande par délibération du Conseil. Pour cela, ce même Conseil missionne un « piéton » jusqu’à Nice pour obtenir la permission, lui payant ses jours de vacations au service de la Communauté.
Parfois même, le Conseil obtient à la fois un prêt de la part d’un notable village et tente d’emprunter à l’extérieur, ce qui démontre l’insuffisance de la ressource locale, mais aussi son importance.
Ainsi, au tout début de l’invasion française, le 30 mars 1705, le Conseil emprunte « 20 doubles à Jean-Pierre CASONE », le notaire, auquel la Communauté avait déjà emprunté 26 doubles d’Espagne » comme le rappelle l’acte municipal, dus à 5 % d’intérêts. C’est d’ailleurs ce même notaire qui est député, le même jour, pour obtenir un prêt auprès de créditeurs extérieurs. 4 jours plus tard, c’est à Jean Louis DOBIS qu’est confiée la mission de se rendre à Lantosque pour toute autre raison, puis à Sospel pour « emprunter la quantité de deniers nécessaire aux syndics ». Tous deux sont des personnages connus pour leur implication publique. La semaine suivante (11 avril), il s’agit encore de trouver à emprunter « 50 doubles de France à l’avocat François André CAGNOLI », pour pouvoir « payer le reliquat de l’entretien des militaires ».
Le 8 novembre 1705 , le Conseil ordonne une nouvelle fois « d’emprunter les deniers nécessaires au paiement de la taxe de septembre [celle imposée par le camp français devant Nice] pour se libérer de la menace », sous entendu de l’occupation (l’allogement) militaire.
Plus complexe encore est l’acte du 16 octobre 1707. Ce jour là, le Conseil reçoit « l’injonction de payer 1 000 francs sous peine d’exécution militaire » au titre du tasso ou cotisso pour les débits royaux . Pour cela, la Communauté est obligée de payer ces mêmes 1 000 £ au notaire CAGNOLI « pour prix des moutons vendus à Antoine INGIGLIARDI… pour deniers aussi prêtés au même » (un remboursement indirect), et de « prendre à l’emprunteur Dom Joseph PLENT pour voie de cens à raison de 4 % pour 100 doubles de France ». En clair, c’est par l’intermédiaire du notaire CAGNOLI qu’est récupéré le prix de la vente d’un troupeau qui servira à épurer une partie de la dette, tout en transformant un prêt en cens. Cette dernière pratique engage la Communauté sur une plus longue période, généralement indéterminée, et pèse donc plus lourdement encore sur les finances villageoises. C’est ce qui explique que cette pratique est rare, et qu’elle n’est utilisée, semble-t-il, qu’en dernier recours.
Le premier réflexe des syndics est de se tourner vers de possibles prêteurs. Mais il n’est pas toujours facile de convaincre ceux qui possèdent les ressources financières suffisantes d’accorder le prêt capable de soulager la pression fiscale et militaire que subit la communauté villageoise. Les missions envoyées à Valdeblore ou même à Nice peuvent se révéler infructueuses. Ces échecs mettent au jour les tensions engendrées par la présence étrangère et militaire dans les relations internes au village. Le risque de voir s’installer un détachement militaire est alors réel, ce que cherche à éviter à tous prix le Conseil communal.
En suivant Marc Ortolani , nous savons que « la répartition des officiers et des soldats chez l’habitant se fait par la publication de … bigliette qui sont … établis par des forieri… La communauté utilise un système de pondération qui permet de faire supporter à chacun la charge du logement, en fonction de ses facultés contributives ». Le danger est réel, le 18 juillet 1705 , alors que le commandant de Lantosque menace d’envoyer le détachement de 40 soldats qu’il a sous ses ordres, « expressément transféré … pour forcer les communautés de cette vallée à payer leurs respectifs débits pour l’entretien de cette garnison », rajoutant à l’allogement de la troupe la menace d’emprisonnement des syndics. Les sous-officiers, et mieux encore les officiers, sont logés dans ce cas dans des chambres mises à leur disposition dans les maisons (palais) des notables villageois.
Pour satisfaire aux paiements exigés, des délais peuvent être demandés. Ils sont généralement accordés par l’autorité française si celle-ci ne décèle pas de mauvaise volonté de la part du pouvoir municipal . Ces générosités calculées sont le plus souvent payées de retour par des présents offerts aux responsables militaires et politiques. Ce sont les envois en nature que nous avons déjà rencontré : fromages ou plus généralement veaux qui sont transportés à Lantosque, Sospel ou même Nice à cet effet. Il n’est donc pas surprenant de constater que ces présents sont achetés par la Communauté aux notables villageois qui trouvent dans ces ventes une ressource immédiate et rémunératrice.
Pour cela aussi, le prêteur se trouve souvent dans le village, parmi les notables intéressés à la gestion de la Communauté, comme l’ont été les notaires CAGNOLI et CASONI.
3. Profiter et réinvestir, le rôle des notables
Nous l’avons remarqué à plusieurs reprises, que le rôle des notables est essentiel dans la gestion politique et économique du village lors des crises. Ils s’assurent de la mainmise sur la prise de décision des villages grâce à leurs qualités intellectuelles (le savoir lire et écrire – et compter). Ces caractéristiques s’expliquent aussi par la présence du maître d’école dont les émoluments sont payés, essentiellement à leur profit, par le Conseil communal. Inversement, ce sont eux qui supportent une part essentielle de sa rémunération en tant que contribuables principaux du village. Au courant du XVIIIe siècle, alors même que l’État impose une profonde réforme des institutions communales, ce sont les mêmes familles (ou tant soit peu) qui protestent de la difficulté de trouver des personnes compétentes pour assurer le renouvellement qu’impose la loi. Bien hypocritement parfois… Ces mêmes personnages sont aussi les principaux bénéficiaires des ressources collectives.
? La maimise sur les ressources locales
Ce qui est vrai en temps de paix l’est encore plus lors des guerres. Les principaux bénéficiaires des biens communaux font partie des grandes familles de la notabilité villageoise. Qu’il s’agisse des adjudications des structures productives, celles des moulins à grain, fours grand et petit, du moulin à foulon (le paratore), mais aussi des pâturages d’altitude (les bandites), nous constatons leur mainmise quasi-exclusive. C’est ainsi que nous retrouvons le notaire Jean-André CAGNOLI preneur des moulins en 1700 alors même que son oncle tient les pâturages en bandite de Salèses et son cousin ceux de Cerise. L’année suivante, il emporte personnellement cette dernière adjudication alors que son oncle administre toujours celle de Salèses. En 1702, Jean André emporte l’enchère du grand four pour l’année… l’énumération est encore longue des différentes fonctions administratives-commerciales qu’il prend à sa charge durant sa période d’activité. Elles prolongent son engagement durant la guerre avec la Conservation des bois en 1704, agissant indirectement pour que son oncle l’avocat Jean-Baptiste CAGNOLI verse par anticipation les sommes pour lesquelles celui-ci s’était engagé pour prix des coupes de bois qui lui ont été vendus de la forêt du Boréon. Il s’agit de la même personne qui tient la charge de baile la même année, et qui offre de prêter 150 doubles d’Espagne à la Communauté impécunieuse . C’est encore Jean-André, accompagné de ce même oncle, de l’autre notaire Jean Pierre CASONE et du Capitaine Claude GUBERNATIS, qui s’occupent de prélever la taxe sur les propriétaires fonciers qui doivent participer aux frais de rédaction du nouveau cadastre, base de l’imposition future.
Si le mélange des genres est courant, et sommes toutes naturel, aucun des protagonistes n’oublie ses propres intérêts confondus avec ceux de sa famille. Les échanges entre groupes familiaux sont nombreux et semblent équilibrés, permettant à tous les membres de l’oligarchie de bénéficier d’une part de la ressource.
Pourtant, la crise induit parfois des comportements exceptionnels, des tentatives bouleversant ces règles implicitement établies. C’est le cas le 25 février 1703 . Le Conseil doit se prononcer sur une proposition originale. François MATTEUDI de feu Jean propose de prendre à sa charge la gestion des 4 bandites du village contre un droit de 1 200 £ (plus de la moitié de l’ensemble des recettes communales constatées cette année), somme considérable mais allant totalement à l’encontre des habitudes de répartition des ressources. Devant les discordes soulevées par cette proposition au sein même du Conseil, celui-ci convient d’en appeler au jugement du Parlement Général, seul capable de décider à ses yeux d’un tel changement. Car il est impératif que « rien sinon de traditionnel [ne soit décidé], et contenu dans le dernier budget, sans autorisation expresse de l’Intendant ». Toutes les précautions semblent prises pour éviter une dérive ou un précédent qui remettrait en cause l’équilibre politique tacite entretenu jusqu’alors. Le Conseil renvoi donc l’affaire au 4 mars suivant pour statuer finalement qu’il ne convient pas d’accepter la proposition, préférant « continuer comme il se faisait selon le mode ancien, sans aucune innovation ni novation qui pourrait concourir à la ruine des particuliers du lieu au préjudice de la gestion publique »… Abandonner les ressources de l’ensemble des bandites entre les mains d’une seule personne, et ce malgré les difficultés rencontrées par les finances publiques – nous avons vu qu’il n’avaient été que très difficilement possible de pourvoir à l’adjudication des fours et moulins, mais aussi des « provisions » d’huile, le vin et de pain quelques mois auparavant – n’a pas été possible. Le fait démontre tout de même qu’il existait à l’intérieur même de l’oligarchie villageoise des formes centrifuges capables, ou ayant la volonté, en cas d’affaiblissement des structures « traditionnelles », de transformer profondément les règles.
Seuls semblent leur échapper, et en partie seulement, les attributions économiques mineures telles que la garde des petits troupeaux communaux… dont les preneurs peuvent être membres d’un « second cercle » de l’administration locale et de sa clientèle : les gardes des chèvres caprairo casolana (la chèvrerie domestiques dans le sens premier du terme), tenue en 1699 par François RICOL, en 1700 par Barthélémy RAIBAUD Lichin, en 1701 à Jean GILETTA d’Honoré, à Ludovic MAÏSSA Fornier en 1702… ; des génisses à Jean Pierre CIAIS en 1700, à François ASTRI l’année suivante, puis à Jean MATTEUDI Badà en 1702…, des bœufs, la Turgaglia (des autres bovins), l’hostellerie. Des personnes qui n’apparaissent nulle part dans le registre des fonctions municipales d’importance ni des responsabilités politiques, et que l’on peut replacer sur un rang de service plutôt que de bénéfice.
Par contre, en ce qui concerne le discapanaggio (le retrait des fromages en fin d’été), les fermes du vin en gros ou en détail, de l’huile, du pain blanc ou même de seigle, et bien entendu celle du sel, nous retrouvons les personnalités déjà cités précédemment. Ces fermes monopolistiques municipales sont généralement conservées entre les mains des notables ou de leur proche famille.
Elles sont pourtant parfois l’objet de rejet lors des crises majeures, quand tout investissement paraît hasardeux même aux plus empressés des notables. Nous l’avons déjà constaté. Mais l’importance de l’investissement, une fois ramené à de plus justes proportions, ou du moins à des niveaux raisonnables admettant la prise de risque, a toujours été possible. Nous l’avons vu pour les vins, huile et pains, pour la boucherie, mais aussi pour les moulins et fours en 1702. Cette année , le poids de la conjoncture météorologique semble encore plus importante que celle de la guerre qui s’est éloignée pour un temps. Le Conseil de Saint-Martin obtient alors l’autorisation d’importer 200, puis bientôt 300 stares de blé car « de nombreuses familles connaissent une pénurie de grains » , afin de pourvoir aux besoins les plus aiguës...
Par contre, les terres détenues par les nombreuses aumônes léguées et distribuées au fil des temps dans le village semblent emporter plus facilement l’adhésion des investisseurs locaux. L’enquête de 1697 fait état de 1 026 £ de revenus pour les différents patrimoines ecclésiastiques (642 £), aumônes et rectories, à comparer au 9 645 £ 10 sous 10 deniers de l’estimation générale de la richesse du territoire, soit un peu plus de 10,6 %. Notons que sur les 48 prêtres dont les patrimoines cléricaux sont répertoriés dans le cadastre de 1702, certains sont aussi en charge d’un bénéfice ecclésiastique, comme Dom François AIRAUD à la fois recteur de la chapelle Sainte-Catherine (dans l’église paroissiale de Saint-Martin) et prieur de Rimplas, Dom Honoré DOBIS prieur de Venanson, Dom Jean GHIBERT prieur de Villar et vicaire forain pour l’évêque de Nice, Dom Joseph PLENT prieur de La Roche (mais aussi de Coipro en Piémont et Borcesi de Turin), Dom André PLENT prieur d’Isola, Dom André RICOLVI fils du Capitaine Jean Louis recteur de la chapelle de l’Annonciation, Dom Honoré RAIBERTI recteur de la chapelle de la Trinité… Autant de revenus qu’ils utilisent en partie au profit de leur lignage, comme démontré par ailleurs .
De la même façon, on se rappelle que les confréries, possédant des réserves en numéraire, pouvaient être ponctionnées par l’autorité municipale en cas de crise aiguë. C’est ce que démontrent les comptes de la confrérie (et chapelle) du Rosaire dès la deuxième invasion française, à partir de 1703…
En ce qui concerne le patrimoine foncier de ces organismes, ce même cadastre indique les possessions des 7 aumônes, qui regroupent au total 93 starate 6 moturaux (14 h ½) et les biens immunes de l’hôpital, de la Commende de la Madone de Fenestres et ceux des 8 rectories et du Luminaire qui couvrent un total de 13 ha 1/3.
Ces terres, issues de fondations et de legs anciens, sont généralement bien exposées. Dans les faits, elles sont tenues quasi-exclusivement par l’élite sociale villageoise, quitte à devoir renouveler régulièrement une reconnaissance formelle de sa propriété éminente. Leur importance foncière est recherchée : l’Ascension regroupe 1,2 ha de terres « semables et arrosables », la Candeliera plus d’1 ha ½, tout comme l’aumône de la Fête Dieu, Sainte-Élisabeth 2,2 ha., alors que le Saint-Esprit et la Saint-Jean-Baptiste dépassent les 3 ha. de terre ; les rectories possèdent en moyenne un patrimoine foncier d’1,5 ha., sauf la Saint-Jean qui approche les 3 ha. et la Madone de Fenestres qui les dépasse… Mais pour cette dernière, il faut y rajouter les terres en seigneurie propre, qui ne sont pas répertoriées par le cadastre civique .
C’est à la Communauté, qui en possède habituellement le jus patronat, que revient l’autorité de gestion de leurs biens. Garante de la perpétuation du vœu du fondateur, elle délibère l’exploitation des biens qui produisent les revenus nécessaires à l’entretien de la chapelle ou à la réalisation des messes prévues par l’acte initial. C’est ainsi que le 17 février 1706 sont délibérées différentes aumônes concernant le « pré de Gaudissart, le champ de la Peira del Villar, le champ de la Cereisa, le pré de Gaudissart de la Chandeleur, le champ d’Antella, le predio du Saint-Esprit à Saint-Nicolas, le pré d’Anduebis, celui de Conas de Sainte-Élisabeth, le champ du Verné de Sainte-Élisabeth, les champs dels Clos de l’Ascension, les champs de la Condamine de l’Ascension, le jardin du Ghà de l’Ascension, le pré de l’Hôpital de Conas, le champ de l’Hôpital dellas Travessas, les biens de l’Hôpital à la Peira del Villar, les biens de l’Aumône de l’Ascension à la Peira del Villar » . Chaque bien fait l’objet du reversement d’un cens particulier, en numéraire ou en nature selon les cas. En février 1699, c’était Jean MAÏSSA de feu Jean Milan qui obtenait pour 4 années les fonds des aumônes du jour de la Fête Dieu, pour lesquels il devait verser « l’annuelle pension de 11 stare 7 panale de froment » . Le 20 novembre 1701, c’était Honoré CASONE qui prenait « les grains des Aumônes » pour le prix de 4 £ 12 sous la stare de grain et 3 £ 12 sous celle de seigle, « payables en deniers comptants » . Somme que la Communauté collectait en cette occasion étaient d’ailleurs immédiatement imputées au paiement de « due quartieri » du Donatif qu’elle devait à Son Altesse. Le 2 juillet 1702, c’est au tour des biens de l’aumône du Corpus Domini, dite aussi BALDONI, situés aux quartiers de Conas et Gorescur, d’être emportés aux enchères par François MATTEUDI feu Jean Cardenal pour 4 années . Il est précisé qu’il « a [déjà] payé 200 £ et paiera chaque année 23 £ » de loyer. Le même acte allait plus loin encore, en cédant « à cens perpétuel un champ appartenant à l’aumône de Saint-Jean, dans la région de Gaudissart » pour un cens perpétuel de 7 stare de froment… Ce sont ces volants de ressources que la Communauté choisissait d’utiliser quand il lui était nécessaire de verser de nouvelles taxes ou que d’anciennes n’avaient pu l’être. C’est bien le sens de l’ordre donné le 2 septembre 1707 d’utiliser « le service des grains des Aumônes » pour répondre, au moins en partie, aux 2 000 £ de taxes exigées par l’Intendant - on se rappelle que la seule Aumône AIRAUDI avait rapporté 564 £ ½ dans les comptes de 1701.
Ces terres apportaient aussi un complément non négligeable aux ressources familiales et pouvaient vraisemblablement être commercialisées en partie, du moins en ce qui concerne la part qui revient au « propriétaire ». Ils les font exploiter par leurs métayers. Ce sont ces mêmes terres qui furent, à moyen terme, à la suite d’un long processus de dissolution, incorporées discrètement à leurs patrimoines fonciers familiaux.
? Prêter, se montrer, encadrer
Nous avons mis en évidence la méthode employée par les familles notables du village pour concentrer à leur profit les ressources économiques collectives du village. Ce sont également eux qui prêtent à la communauté les moyens exceptionnels dont elle a besoin. La pratique n’est pas récente ni même liée uniquement aux faits de guerre, comme le démontre la demande de Jérôme Marcel RAIBERTI, habitant à Nice, dont nous connaissons l’implication aux côtés de sa famille et alliés de Saint-Martin lors de la tentative d’inféodation du village par l’autre Jérôme Marcel, GUBERNATIS. Le 10 juin 1699 , soit 15 ans après les faits, il demande au Parlement du village de bien vouloir procéder au remboursement de son prêt… qui lui a tout de même permis de recevoir les intérêts durant toutes ces années. Les comptes de 1700-1701 rappelaient aussi que le notaire Jean-André CAGNOLI avait prêté 1 002 £ 12 sous au village ; et nous avons déjà rencontré l’avocat Jean-Baptiste CAGNOLI s’offrir de prêter, en 1704 , 150 doubles pour répondre aux besoins de la Communauté qui « n’a plus de deniers » et qu’elle doit répondre « aux contingences de guerre ».
Mais il pouvait également y avoir des prêts à plus court terme et surtout qui semblent, au premier abord, provenir de créditeurs extérieurs à Saint-Martin. C’est bien au prieur de La Roche que la Communauté a emprunté 18 doubles d’Espagne, le 12 février 1709 , qu’elle décide de lui rembourser le 3 avril suivant… au détail près que le fameux prieur n’est autre que Dom Joseph PLENT que nous avons déjà rencontré dans le cadastre parmi les citoyens du village de Saint-Martin. C’est ainsi que les notables du village jouent de leur facultés financières pour aider leur village à trouver les ressources numéraires qui font défaut à la trésorerie publique.
N’imaginons pourtant pas le sacrifice des élites. Si elles le font semble-t-il le plus souvent spontanément, elles y trouvent leur intérêt à plus d’un titre. Peut-être peut-on voir dans cette pratique un retour sur investissement ou un moyen de redistribuer ces mêmes ressources afin d’éviter à la population l’occupation du village par la soldatesque ? Assurément ! Mais ce sont les mêmes personnes qui bénéficient des biens communaux leur permettant un enrichissement certain que ne pourrait par exemple leur offrir leur seul patrimoine foncier. Ne serais-ce que pour la pâture de leurs troupeaux ovins qu’ils sont les seuls à posséder en nombre. Pour eux, la « paix », ou du moins la « non-occupation » est essentielle à la poursuite de leurs trafics légaux. Rappelons également l’utilisation qu’ils font des fermes communales mises en adjudication… Ce sont aussi les bénéfices tirés de la vente des bois à laquelle ils participent au premier niveau. La notion de profit n’est donc pas absente pour autant, puisque la Communauté verse, comme il est naturel et dans la limite morale prévue par la loi, des intérêts aux prêteurs.
Les exemples sont légions : en 1701, c’est Dom CASONE qui reçoit les intérêts de 400 £ précédemment prêtées ; en 1707, le 27 mai Jean MAÏSSA Ginebrè reçoit l’intérêt de 25 doubles qui s’élèvent à 22 £ ½ ; le 8 juin ce sont les intérêts des 1 002 £ 12 sous prêtés par Jean André CAGNOLI (rencontrés en 1700) pour 54 £ 2 sous 6 deniers ; puis c’est au tour des 73 £ 17 sous d’intérêts versés au notaire CASONE pour ses 150 écus de France 8 crosati de Gênes prêtés et les 41 £ 8 sous d’intérêts des 46 doubles de France également prêtés en 1705 ; les 119 £ 13 sous d’intérêts pour un autre prêt de 2 193 £ 1 sous 7 derniers prêtés en 1706 par le même notaire, suivis d’un autre intérêt de 46 £ 6 sous d’un autre prêt la même année ; puis les 45 £ 5 sous d’intérêts versés au capitaine Jean André BALDONI… le même catalogue des prêts est renouvelé certaines années, comme en 1709, quand la Communauté verse 310 £ 4 sous 9 deniers d’intérêts en 8 actes à différents prêteurs, entre autres nos connaissances le prieur de La Roche, BALDONI et de nouveau le notaire CASONE.
L’importance du prêt est un excellent révélateur du niveau social du prêteur : comme par exemple le remboursement du 16 décembre 1710 au profit du Comte GUBERNATIS de 200 francs prêtés afin de payer le Tasso pour 266 £ 13 sous 4 deniers intérêts inclus ; mais surtout, le 25 mai 1709, 4 970 £ remboursées au notaire CAGNOLI pour le crédit qu’il avait consenti à la Communauté…
Il est donc évident que le prêt fait œuvre publique autant que privée selon un concept qui ne semble pas opératoire dans ce contexte. La différence entre ces deux sphères n’est pas évidente pour les acteurs municipaux. La rapidité des transferts entre eux, leur complexité dans bien des cas, semblent démontrer que les frontières définies entre elles sont au minimum bien perméables. Dans ces circonstances, il est possible de donner une autre dimension, plus symbolique au prêt. Il peut être considéré à bien des égards comme un moyen politique ostentatoire. C’est ce que nous avons déjà constaté lors du sauvetage financier de la Communauté face à la tentative d’inféodation de 1684. Il en va de même lors des guerres qui y succèdent. Prêter est considéré comme un acte civique essentiel – mais nous sommes bien loi de l’évergétisme – apportant à son auteur le prestige si recherché dans la « société baroque ». Les notaires Jean André CAGNOLI et Jean Pierre CASONI en sont les meilleurs exemples.
Ces différentes mentions financières sont à mettre en parallèle avec la position politique de chaque acteur. La correspondance est évidente. Les prêteurs sont également les cadres la société villageoise. Ils possèdent à un moment donné, personnellement ou plus généralement grâce à leur parentèle, l’ensemble des leviers du pouvoir dans la société villageoise. Des caractères que l’on retrouve dans la durée, et qu’il conviendra de vérifier en temps de paix et tout particulièrement durant le « beau XVIIIe siècle » succédant à la guerre de Succession d’Autriche, un des rares temps apaisés de l’histoire du village… quand s’installe définitivement le pouvoir de l’État !
? Se faire rembourser et surveiller le Conseil
Ce sont bien les mêmes personnes, des membres de leurs familles ou des alliés qui prêtent l’argent nécessaire, et obtiennent leur remboursement sans grande difficulté tant ils sont omniprésents (omnipotents ?) parmi les membres du Conseil. C’est le cas pour l’emprunt CAGNOLI que nous venons de rencontrer. Mais cette position n’implique pas un pouvoir assuré. Il convient à chaque membre de cette élite politique locale d’être attentif à préserver sa position et celle de sa famille, gage essentiel de pérennité.
Nous rencontrons d’ailleurs d’autres dettes qui ne sont remboursées que très tardivement. C’est le cas pour la ligne comptable passée le 4 août 1711 en faveur de Joseph GUIGO, de Saint-Dalmas , pour un cens portant sur un emprunt déjà ancien de 13 doubles de France. Les comptes communaux notent le versement effectué de 243 £, somme importante puisqu’elle excède largement (de 50 %) la rémunération du maître d’école qui reçoit quelques jours plus tôt les 180 £ de ses émoluments annuels. Elle est destinée à purger les intérêts « oubliés » des années 1708, 1709 et 1710. La ligne suivante note d’ailleurs, toujours au même, le versement de l’intérêt et vraisemblablement du capital – tout ou partie – pour 81 £ en compensation d’un autre cens de 4 doubles de France. Cette importante charge obérait les finances communales depuis plusieurs années mais la Communauté n’avait jusqu’alors pas trouvé les moyens de la rembourser. Ce qu’elle n’oublie jamais quand il s’agit de l’un de ses membres, régulièrement présent ou représenté au Conseil.
Il peut arriver enfin que la Commune dégrève ses collaborateurs en nature. C’est le cas pour l’avocat Jean Louis RAIBERTI, de la Cité de Nice, qui reçoit, le 2 septembre 1703, « en considération des nombreux services qu’il a rendu à la Communauté », 3 rubs de fromage « à prendre sur le discapanaggii … » et 6 rubs « qui sont les uns de la Capanne del Devense et de l’autre des taxes sur les troupeaux » . En fait, il s’agit du principal Procurateur de la Communauté de Saint-Martin. Si il n’habite pas au village, il y a conservé d’importants liens familiaux avec les autres membres de son lignage, sur plusieurs générations . Véritable diaspora politique, elle a son utilité grâce à la proximité qu’elle entretien avec le pouvoir « décentralisé » de l’État, et tout particulièrement durant les périodes de guerre et d’occupation française. Le Procureur agit autant qu’il le peut au bénéfice de son village d’origine en tentant d’arracher des réductions fiscales, des limitations et même des exonérations de réquisitions qui pèsent sur les finances villageoises. Mais il ne le fait pas gratuitement pour autant.
D’autres cas sont possibles, comme ceux, tombés dans l’oubli plus ou moins volontairement comme c’est le cas pour certaines aumônes dont les ressources servent de trésorerie et caisses complémentaires. La Communauté y a tout intérêt. Il ne s’agit pas pour autant ni d’un détournement ni même d’une malversation puisque cette même Communauté villageoise est juridiquement responsable des ressources des Aumônes. Du moins autant qu’elle en assure le service religieux, sous peine de se voir rappeler à l’ordre par l’Intendant quand celui-ci a les moyens de surveiller les finances communales. Mais peut-on parler pour autant de collusion quand il s’agit des mêmes personnages et des mêmes familles que nous retrouvons à la tête de la Communauté et des confréries et aumônes ?
La comptabilité moderne des villages, progressivement surveillée par l’Intendant, n’échappe pas à ce qui nous semble aujourd’hui être des dérives financières. Pourtant ces pratiques sont alors considérées comme le mode de fonctionnement habituel de l’époque. L’autorité centrale n’essaie pas d’y remédier, ce qui semble à la fois normal car elle n’en a pas encore les moyens, mais aussi et surtout parce qu’elle n’en a pas l’intention. L’intérêt de l’État est plutôt de réussir à associer les notables villageois au plus près de la gestion locale et des ses propres attentes de contrôle. Ils sont en effet les seuls capables de relayer son autorité dans l’ensemble des couches de la société. Si « la communauté est le plus petit rouage de l’administration royale » , le notable est son agent naturel et dévoué. Il joue un rôle essentiel dans l’encadrement des sujets, à défaut d’une administration pléthorique d’État et d’une forte implantation locale. Les branches lignagères des familles de notables villageois introduites dans la proximité du pouvoir bientôt royal renforcent les liens qui unissent les élites sociales du pays niçois au souverain. Elles donnent une cohérence au système politique de domination du territoire et des âmes, et lui permet d’affronter victorieusement, pas sans peine pourtant, les crises et la guerre.
Conclusion :
Saint-Martin-Vésubie a traversé une importante série de crises économiques et financières dues en grande partie aux guerres qui secouent les états du duc de Savoie entre la fin du XVIIe et le milieu du XVIIIe siècle. Elle en sort indéniablement fragilisée, comme la totalité des communautés villageoises de l’ancien Comté de Nice. Mais à y regarder de plus près, sa structure profonde n’a pas été modifiée. À cela, plusieurs raisons. En premier lieu nous pouvons en attribuer le succès à la stabilité et au maintien de l’organisation sociale de la notabilité villageoise. L’Occupant n’a d’ailleurs jamais cherché à y porter révolution comme ce fut le cas à la fin du XVIIIe siècle. Si la réorganisation fiscale imposée par l’État a semblé, à juste titre, menacer son autonomie, c’est par la gestion de la pénurie qu’il a été possible de dépasser la crise, malgré la fragilité économique connue du territoire. La pratique d’une gestion pointilleuse (à défaut d’être toujours rigoureuse et équitable) des ressources collectives s’est imposée d’elle-même, s’appuyant sur un mode de gestion communautaire tout en privilégiant la réalité privée des trajectoires familiales. La grande diversité de ressources communales, certaines d’un faible revenu qui n’est pas négligé pour autant, a été concentrée entre les mains de la notabilité. L’omniprésence de la guerre sur toute une décennie a sans doute joué le rôle d’accélérateur d’un phénomène que l’on imagine pourtant déjà exister au temps de la tentative d’inféodation. Il est possible d’y voir l’une des caractéristiques principales de ces sociétés villageoises organisées autour et par sa notabilité. Il est souvent délicat de séparer les finances publiques (communales, confraternelles, paroissiales…) des ressources privées (familiales). Elles se distinguent par l’intrication des territoires privés et publics, par la concentration des pouvoirs politiques et économiques, mais aussi symboliques, entre les mains d’un petit groupe de familles. Il n’est donc pas étonnant que la décision et la direction, mais aussi le financement de l’église et des différentes chapelles du lieu ont été leur œuvre.
Article publié dans :
Colloque
Au cœur des Alpes : Utrecht,
Jausiers, Colmars les Alpes, Entraunes, 14 au 16 septembre 2012,
Les Éditions de la Roudoule, janvier 2013 pp. 41-86
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L'impact économique et social des guerres françaises au début du XVIIIe s. à Saint-Martin-Vésubie en pdf
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