Pour une histoire de la forêt en Vésubie
Pour une histoire de la forêt en Vésubie : Propriétés, limites, usages (XVe-XXe siècles)
Des Arbres et des Hommes (II)
Propriétés, limites, usages de la forêt en Vésubie (XVe-XXe s.)
Éric GILI
Le noyer, l’arbre précieux
1. La forêt déclinante du XIXe, milieu XXe s.
La forêt est un élément essentiel du paysage alpin actuel, comme nous avons pu la présenter, l’an dernier, dans notre introduction. Il n’en a pourtant pas toujours été ainsi, comme le démontre le paysage des cartes postales produites au tournant des XIXe et XXe s. C’est également l’image qu’en donne le Directeur du service des Eaux & Forêts, A. Dugelay, lorsqu’il produit, en 1943, deux articles très fouillés sur l’état de la forêt à cette époque. La présentation qui est faite de la situation contemporaine est au minimum préoccupante. Certes, le poids de la période permet une mise en perspective du constat dressé par le haut fonctionnaire. Les besoins en bois sont importants, peut-être plus encore en charbon de bois, qui remplace alors l’essence introuvable. Aussi faut-il, selon lui, protéger la ressource à tout prix. Et cela d’autant plus que de vastes espaces forestiers sont entre les mains de l’autorité italienne (jusqu’en septembre 1943) dans les 6 communes concernées par la frontière de 1860. Dugelay cherche tout d’abord à établir « les preuves du déboisement », insistant sur le rôle des eaux torrentielles qui « ne sont plus contenues » à la suite de la disparition du couvert forestier, « et rongent les deux rives » des rivières. Il voit ainsi des « terres [qui] s’écroulent partout ».
Mais là où les conditions climatiques agissaient naturellement, l’homme aurait sans doute pu tenter de rétablir le couvert forestier. Des incendies récurrents des pâturages, sur des terres dépouillées des anciennes forêts, finissaient de ruiner les efforts de la nature. Et de voir « les souches isolées de pins cembros ou de mélèzes de dimensions imposantes » comme les reliques d’anciennes forêts disparues rapidement, sous la hache des défricheurs et la dent des caprins.
Les usages et pratiques culturaux sont ensuite mis en cause par l’auteur. Ceux des bergers qui, toujours selon lui, pouvaient se fournir « librement en bois selon leurs besoins ». Ce que les archives communales contredisent formellement.
Autre argument, le peu de perspectives économiques, sinon de prospectives, que se donnent les autochtones, par « une conception trop étroite de leurs intérêts » qui ne fait des contraintes nécessaires au reboisement qu’un « danger de famine, de misère ou encore de ruine » de leur économie. Ce qui compte le plus est l’immédiat, indice de la fragilité économique de la montagne. Car ces terrains nécessairement protégés des troupeaux pour les besoins de la régénération forestière naturelle étaient autant de terres que les troupeaux ne pouvaient parcourir et qui en limitaient le développement. Selon lui, s’appuyant sur les avis de ses prédécesseurs, pour les populations autochtones, les intérêts des pâturages s’avéraient supérieurs à ceux de la forêts. Des « hommes influents », propriétaires « d’importants troupeaux », usaient de leur pouvoir pour conserver la plénitude des terrains de parcours. Et de dénoncer le poids des élites locales. Les comportements individuels ne seraient pas limités par la force publique. Dans ce sens, le Directeur regrette un soi disant « manque de réglementation », qui renvoie la responsabilité aux autorités municipales, jugées incapables de gérer convenablement leur patrimoine forestier. Et l’on sent bien que, ne pouvant incriminer un laxisme impérial ou républicain (qu’il est pourtant bon ton de dénoncer) à l’origine de multiples lois promulgués dès les années 1880 par la IIIe République, il se voit contraint d’en trouver l’origine dans un « laisser-aller consécutif à la Révolution ». Légèreté administrative qu’avait encore aggravée une « excessive tolérance du gouvernement Sarde lors de la Restauration » qui désignait les responsables du peu de contraintes réglementaires qui auraient alors pesé sur les divers exploitants des bois. Moyen détourné de dénoncer également les exactions italiennes commises quotidiennement dans les bois communaux des communes du Haut Pays. Lors de la première période, la « pleine liberté laissée aux particuliers de défricher leurs bois et leurs terres en pente », puis surtout « le partage des communaux », auraient permis aux plus fragiles d’user à leur convenance de la ressources, aux plus entreprenants d’en « faire commerce »… Et cela même alors que les besoins incessants des armées présentes dans le Haut Pays avaient certes pu très fortement fragiliser le couvert forestier, cause bien différente que celles énoncées par l’auteur. Autre erreur, résultant sans doute plus de méconnaissance que de polémique politicienne stérile, les terres communales n’ont pas été partagées dans la Vésubie, malgré la loi citée du 6 octobre 1791… alors que penser ?
Le régime Sarde semble alors être un responsable tout désigné, d’autant plus que les tensions sont nombreuses avec l’Italie fasciste voisine, qui occupe justement une grande partie des massifs forestiers alpins. L’auteur semble regretter le retard de la réglementation sarde (1822 pour le règlement, 1833 pour sa promulgation), permettant aux communes de « gérer directement leurs espaces forestiers », porte ouverte, selon lui, à tous les abus constatés. Pour résultat, le Directeur Durante estimait, sur une période de 23 ans (1822-1841) à ½ millions d’arbres de haute futaie qui auraient alors été coupés et commercialisés, dénonçant une surexploitation notable des cantons forestiers. Et de citer, en 1843, pour le seul territoire de Saint-Martin-Lantosque (Vésubie) 23 182 arbres prélevés dans les forêts de Cerise et du Boréon. Puis en 1849, toujours dans les mêmes cantons, 7 819 arbres ; enfin, en 1858 encore 15 369 arbres… Un total de 46 373 arbres ! Des volumes qui laissent songeur !
Et de s’élever contre une pratique avérée depuis des siècles, « sous prétexte du maintien des terres… [de] couper à une hauteur d’environ 2 m au-dessus du sol », procédé qui « entraîne un singulier gaspillage de la matière ligneuse », tout comme le procédé du flottage, dénoncé par le Directeur qui y voit une perte certaine de la ressource et d’importants dégâts causés aux rives, aggravant leur érosion.
Enfin, le surpâturage des chèvres, laissées divaguer dans les coupes et parmi les jeunes pousses, est déploré et condamné avec la plus grande fermeté, comme rendant impossible tout repeuplement naturel. Le reboisement réalisé par ses services s’élevaient difficilement à 664 ha seulement entre Tinée et Vésubie. Cet inconvénient venait, selon lui, des méfaits de la vaine pâture autorisée selon les usages de tout temps de la manière la plus libre. Enfin, les écobuages répétés, pratique des bergers destinée à rénover (bi)annuellement les espaces en herbes, étaient vus à juste titre comme annihilant tout espoir de repousse arbustive. Depuis l’Annexion, par souci « de ne pas froisser des populations rattachées à la France de fraîche date », les Eaux & Forêts n’avaient pas interdit cette pratique. Raison pragmatique que d’autres administrations s’employaient également à respecter. Cette gestion de l’espace forestier, jugée néfaste pour la forêt par le Directeur, était toujours d’actualité en 1943.
L’urgence était pourtant présente, « en raison des circonstances actuelles ». La mévente d’avant-guerre, le faible écoulement de produits, malgré « quelques travaux de lutte contre le chômage » qui avaient permis de nombreuses embauches, laissaient un secteur en crise. Les prélèvements réalisés (estimés à 1 250 stères sur le seul Var moyen) par « les troupes en campagne stationnées dans la région » en 1939-1940, n’avaient pour but que de fournir « des piquets de réseau, du bois pour le chauffage ou la cuisson des aliments ». Désormais (1943), les besoins en bois devenaient bien plus importants, réactivant le marché local. Et de préciser que « de décembre 1940 à décembre 1941, ces séries ont livré au commerce local 518 m3 de bois en grumes, 623 m3 de bois de mine, 10 500 stères de bois de feu, 82 000 fagots de bois de boulange et 15 tonnes de charbon de bois ». Et d’ironiser de savoir si « les habitants de Roquebillière et de Touët-sur-Var se sont-ils demandé, au cours des derniers mois, au moyen de quels combustibles aurait été cuit leur pain si les séries de Roquebillière ou de Rigaud n’avaient fourni aux boulangers de ces villages le bois qui leur était indispensable ? »…
Partant de ce constat alarmiste et quelque peu partisan, la question est posée. De quelle manière la forêt a-t-elle été utilisée par l’Homme, au moins depuis le Moyen Age ? Est-il juste d’incriminer l’inconsistance de la gestion locale des forêts, voire même son ineptie face aux réels enjeux que pouvait représenter la forêt ?
Pour asseoir l’analyse, je proposerais, pour débuter cette étude, de m’attacher à l’analyse de deux documents généralistes, qui me semblent pouvoir établir un état des lieux, avant de m’intéresser aux différents problèmes qu’ils soulèvent.
Image d’une forêt relique en 1875 ?
Le cadastre dit « Napoléonien », établi dans les années 1875 pour les vallées de la Vésubie et la Tinée, peut permettre d’établir une cartographie spécifique à notre sujet. Pour cela, je me suis attaché à considérer le plan d’assemblage de chaque commune qui propose une information sur les « grandes masses » d’occupation des sols cohérente pour les 11 communes de notre secteur d’étude. Il s’agit d’un temps plein, celui des « hautes eaux démographiques » et de son corollaire, l’occupation maximum du territoire agricole disponible.
Il convient de préciser les limites du document. En premier lieu, le territoire considéré délaisse les Haute Vésubie et Haut Valdeblore, devenus italiens après 1860, et pour cette raison non concernée par les relevés de l’Administration française. Il s’agit pour leur grande majorité, de parcours de pâturages et de forêts. Par ailleurs, le plan d’assemblage communal est un document moins précis que ne le sont les feuilles cadastrales. Il a tendance à « lisser » les contours des occupations des sols, mais permet tout de même d’établir une première relation cartographiée de ces espaces, surtout en ce qui concerne les deux « grandes » occupations de sol, celles des pâturages et des forêts. Le document de la commune de Moulinet n’a pu être utilisé, rendant impossible l’établissement du périmètre du massif de Turini, qui n’a été considéré que par son versant vésubien. Par contre, il a été possible de visualiser le massif du Tournairet, entre Vésubie et Tinée. Qu’établit-il ?
La première indication concerne la relative modestie des étendues forestières, confirmant les impressions laissées par les innombrables cartes postales produites au tournant des XIXe-XXe s. Les principales étendues sont des « forêts noires », versants orientés au nord. Les massifs sont « déchiquetés », suivant en cela les sommets des reliefs érosifs. Les espaces Tinéens, plus méridionaux dans cette étude, moins profonds, permettent à la forêt de se développer à proximité des espaces cultivés. La morphologie de la basse vallée de la Tinée, relativement encaissée, explique les faibles surfaces dédiées à ces derniers.
En conséquence, les espaces de pâturages s’étendent sur de vastes territoires jusqu’aux abords des planches de culture. Il en résulte que la montagne vésubio-tinéenne est avant tout un vaste pâturage, résultat de siècles d’exploitations et d’altérations progressives de l’espace forestier au bénéfice des emblavures. Peu fertiles, ne bénéficiant généralement pas d’irrigation, la culture des céréales ne peut être renouvelée sur ces terres marginales arrachées aux forêts qu’après un long temps de repos. Dans l’entre-deux, elles sont abandonnées au profit des troupeaux domestiques. Les usages, rapidement transcrits après l’Annexion française, en font encore état et confirment leur occupation par la casolana, la chèvrerie communale, qui y établit ses parcours quotidiens. Ce qui interdit d’ailleurs toute éventuelle repousse spontanée du couvert forestier, les pousses tendres cédant à la dent de l’animal.
Si les espaces cultivés suivent invariablement les cours d’eau, il existe aussi de très nombreux écarts isolés, de dimensions moindres, dans de vastes zones de pâturages, voire même de forêts. En Vésubie, rive gauche, très visibles dans le Riou de La Bollène, ou dans celui de la Planchette sur la même commune. Le long du vallon des Graus, sur la commune de Belvédère. Rive droite, au plus haut des Riou de Lantosque et de Pélasque. En Tinée, sur le Riau de Saint-Jean à La Tour. À Clans, sur le vallon du Monar… L’analyse parcellaire en révélerait sans doute bien d’autres.
On peut avancer qu’il s’agit-là de reliques d’anciennes cultures non-permanentes, ce que semblent confirmer les nombreux toponymes rappelant les essartages médiévaux et parfois modernes.
Fornas (section A feuille 2) à l’Ouest du village et Fourneraie (C) en amont du vallon de la Villetta, à Venanson ; Gaudissart (D1 et E2) à Saint-Martin ; Plan Gast (G1) immédiatement au-dessus de l’église Saint-Michel ; Li Fournes (B2) au sud du Caïre Saint-Sauveur, et Issart (E3) dans le vallon éponyme, sur La Bollène ; un autre Gaudissart (G1) au plus haut du vallon du Rivet en face du village de Lantosque, rive gauche de la Vésubie ; Les Fournès (B1) dans le même vallon, Fourà (Z2) sur le Serriere de la Testola, le tout à Utelle ; Le Fourné (A2) sur le ruisseau éponyme, mieux encore avec « Bois Brûlé » (A2) le long du ruisseau Saint-Jean, partie amont, rive gauche, ou encore les Fumeaux (B1) en suivant le ruisseau de la Gorgetta et le vallon éponyme sur La Tour ; Le Gasc (B2) dans le même vallon, puis Les Issarts (G3 et H1) dans le vallon éponyme, sur Valdeblore ; et même la commune de Moulinet possède son Fournas, au nord de la cime du Simon, entre Peïra Cava et le village…
La pratique est ancienne, comme le rappelle Thérèse Sclafert, en expliquant son mode de réalisation : « L’essartage ou le fournelage du bois était pratiqué. Il fallait amonceler des broussailles, des arbrisseaux, que l’on recouvrait de gazon et qui formaient autant de fours, ou fournelles, où l’on mettait le feu ». Le charbon et les cendres ainsi créés étaient ensuite étendus et mélangés à la terre désormais ensemençable. Les termes précédents sont des indices explicites de ces pratiques de défrichements. Et l’on sait, à la suite de Jean Paul Boyer, qu’Utelle tentait d’interdire, vers 1342 déjà, « l’usage de faire feu des souches », lors des défrichements sans doute. Thérèse Sclafert montre l’importance de ces pratiques « en Dauphiné méridional et dans les vallées de Haute Provence ». Pour ne prendre que l’exemple de Bueil, où, en 1314, « les paysans de Thiery et de Rigaud ouvraient des clairières en toute liberté ». Et ceux de La Bollène Vésubie qui, « sur la Planquette, découpaient dans les bois des parcelles de terre où ils semaient leur blé et cultivaient leurs légumes ». C’est aussi ce que confirme Sylvain Burri, qui constate que la première moitié du XIVe s. est celle de l’expansion maximale des cultures, où l’essart fut « le poumon d’un développement extensif destiné à fournir du grain ». Il rappelle que « après l’abattage et le brûlis qui ont lieu en août, un premier semis de froment est fait à l’automne. Suivant la récolte, au mois d’août, les rejets des différents arbustes sont coupés et brûlés une fois secs. À l’automne, du seigle est semé sur le chaume du froment ». Les usages permettent aux habitants d’essarter pour ensemencer les parcelles ainsi libérées, comme à Tende sur les terres communes, ou encore La Bollène, au XVe s., dans les bois comtaux.
Dans le même ordre d’idées, comment ne pas évoquer enfin, pour illustrer la pratique de la forêt à partir des relevés toponymiques, les productions de charbon et de chaux, qui nécessitent l’utilisation de volumes de bois conséquents : Carbounel (D2) à Clans, vallon de Carière ; Carbonières (P1 et P3) à Utelle, vallon éponyme ; Carbonel (B2) à Roquebillière, vallon éponyme ; ou Caussiniera (A3) à Clans près de la chapelle Saint-Jean, et (A4) à Lantosque, dans le vallon du même nom, rive gauche… La pratique est avérée dès la fin du Moyen Age, alors que Roquebillière tente de l’interdire en 1476, tout comme le prélèvement sauvage de la térébenthine, des mousses, pommes de pin, flambeaux de pins…
Le cadastre « Napoléonien » semble donc bien représenter les traces d’un territoire-relique hérité des premiers essartages. Mais sans doute bien incomplet et difficilement datable à partir de ce seul document. Rien pourtant n’interdit de penser que ces défrichements ont pu se prolonger ou se renouveler pendant l’époque Moderne, comme cela a pu être le cas dans la Provence voisine. Le cadastre n’est certes pas l’image d’une évolution linéaire.
Plus bas sur le versant se trouvent d’autres espaces arborés cultivés qui s’échelonnent à une altitude moyenne. Les oliviers en couvrent la partie méridionale, alors que les châtaigniers se développent dès lors que l’on remonte les versants et les altitudes.
Les premiers bénéficient des meilleures orientations sur des sols peu fertiles des vallées du Comté. L’époque du plan cadastral n’est pourtant pas encore celle des grandes plantations subventionnées, et offre donc la vision d’un terroir minimal par comparaison aux oliveraies contemporaines.
Les seconds peuplent les terres les plus ingrates, mais permettent d’assurer quelques productions d’appoint, qui ont pu se révéler parfois indispensables à la survie du groupe familial. Certains arbres peuvent revendiquer plusieurs centaines d’années d’existence, tant à Venanson qu’à Pélasque, territoire de la commune de Lantosque.
La propriété forestière en 1823
Pour se faire une idée plus précise de l’état de la forêt, il est possible d’utiliser la consigne des bois ordonné par l’État sarde en 1923. L’inventaire réalisé dans le mandement de Saint-Martin-Vésubie est confirmé par les conseils communaux respectifs le 24 mars pour Roquebillière, le 18 mai pour Marie, le 24 mai pour Rimplas, le 23 juin pour Saint-Martin, le 28 juin pour Belvédère, le 30 juin pour Venanson, le 17 novembre pour La Bollène et Valdeblore.
Ces chiffres sont difficilement comparables à ceux issus du cadastre « Napoléonien », qui ne tient pas compte des territoires alpestres des communes de Rimplas, Valdeblore, Saint-Martin et Belvédère, devenus italiens après l’Annexion, pour un total, plus de 6 500 ha. de bois communaux, et ne prennent pas en compte ceux des massifs du Tournairet ni du Turini… Ils surprennent néanmoins par leur insignifiance.
Bois en ha. |
Domaniaux |
Communaux |
Privés |
TOTAUX |
Belvédère |
7,72 |
531 |
0,93 |
539,65 |
La Bollène |
0 |
355,22 |
4,54 |
359,76 |
Marie |
0 |
53,2 |
3,04 |
56,24 |
Rimplas |
0 |
1 103,44 |
9,45 |
1 112,89 |
Roquebillière |
0 |
273,37 |
5,7 |
279,07 |
Saint-Martin |
0 |
357,23 |
7,57 |
364,8 |
Valdeblore |
0 |
3 088,98 |
56,71 |
3 145,69 |
Venanson |
0 |
773,47 |
9,74 |
783,21 |
|
7,72 |
6 535,91 |
97,68 |
6 641,31 |
|
En effet, comment peut-on expliquer les quelques centaines d’ha. relevés pour Belvédère, La Bollène ou encore Saint-Martin, sinon par une déprise forestière certaine. La date, très précoce, de la Consigne, moins de 10 ans après le retour des territoires du Comté de Nice à leur souverain légitime, peut expliquer en partie cette faiblesse. |
De fait, ces bois sont à 88 % des bosquets et seulement à 11 % des espèces de haute futaie, les plus valorisables par les communes. À noter également qu’il s’agit à 88 % de résineux, dont la croissance est bien plus rapide que les arbres caducs. On peut alors imaginer, sans certitude pourtant, que la Consigne n’a considéré que les forêts installées, en ne prenant en compte que très incomplètement les espaces destinés à la repousse. Les bosquets, très largement majoritaires dans la Consigne, pourraient être alors considérés comme l’étape intermédiaire d’un réemboisement de l’espace montagnard.
Le document met enfin en évidence la quasi exclusivité de la propriété communale sur les bois, les espaces privés étant limités à moins de 30 ha. pour la totalité de la Vésubie. Il s’agit bien alors de territoires dépendant des communes, hérités des périodes médiévales et conservés comme tels durant des siècles, qui furent sauvegardés servés contre tous et malgré les législations révolutionnaires.
Alors, peut-on connaître l’importance réelle de la forêt avant la Révolution, et surtout comment était-elle gérée pour avoir survécu à la fois aux aléas climatiques, à la dent de la chèvre, à la hache du bûcheron, et au pillage du soldat ?
La masse documentaire traitant de la forêt et des relations que les communes entretiennent avec cette ressource est telle qu’il a paru sage de pratiquer un sondage dans les archives disponibles. Loin de l’exhaustivité, je vous proposerai donc une analyse thématique portant sur la projection communale de la forêt, considérée comme un espace défini, borné, qu’il faut défendre. Défendre effectivement, car il s’agit d’une ressource essentielle à la survie de la communauté, et comme telle, qui permet d’obtenir une part essentielle des finances municipales. Elle est essentiellement destinée à acquitter les impositions de l’État. Ou de quelques autres dépenses essentielles, comme le remboursement des trop nombreux prêts rendus nécessaires par la difficulté des temps. Une exploitation de l’espace forestier qu’il convient enfin de considérer comme un moyen d’affirmation du pouvoir communal, une permanence qu’il est parfois difficile de maintenir face à l’accroissement des pressions de ce même État. Une propriété qui se traduit par la présence d’agents communautaires, chargés de faire respecter les règlements édictés par ces mêmes Municipalités. Le parcours du Garde champêtre d’Utelle clôturera cette étude en proposant le vécu au quotidien de la forêt sans cesse menacée, au plus près du terrain et de ses vicissitudes.
2. Délimiter les forêts
Nous avons souligné les incohérences dans l’estimation des surfaces forestières entre les années 1820 et 1870 sans pouvoir en donner une explication concluante. Pour pouvoir avancer dans cette analyse, il me semble fondamental de nous intéresser à l’importance que revêt la forêt pour l’économie locale. Et en premier lieu en s’attachant aux moyens mis en œuvre pour en vérifier l’emprise spatiale. Afin de la protéger des différentes agressions dont elle peut être l’objet, les communes vérifient régulièrement, de manière contradictoire, leurs limites. Les raisons d’affrontements à ce sujet sont nombreuses entre villages, mêlant forêts et pâturages dans de mêmes espaces souvent considérés comme marginaux. Si il est indéniable qu’ils le soient dans une vision centrée autour de l’agglomération principale, il faut sans doute inverser le regard dès qu’il s’agit de l’importance que l’on donne aux espaces et ressources communaux.
Les exemples de délimitations foisonnent dans les dépôts d’archives communales, et désignent en cela toute l’importance que les villages attribuaient à la conservation de ces traces, de ces preuves juridiquement opposables.
C’est le cas pour le territoire méridional du Veseou, quartier que Belvédère avait obtenu à la fin du XVe s. par échange avec Roquebillière contre le quartier septentrional de Berthemont. Cette nouvelle propriété, le long du torrent de la Gordolasque, est régulièrement l’enjeu d’oppositions, sinon d’affrontements. C’est avec La Bollène qu’a lieu le conflit. Le 18 juillet 1729, le Conseil nomme comme député son syndic, Jean André Laurenti, accompagné du notaire et secrétaire communal, pour confronter les limites du territoire avec ceux de la commune voisine, en présence de deux arbitres nommés par Saint-Martin, le Capitaine Jean Jacques Raiberti et le notaire Jean André Cagnoli. Les protagonistes parcourent le territoire concerné et relèvent de manière contradictoire les différentes marques trouvées sur place, en obtenant à chaque fois l’approbation des deux parties.
C’est également le cas en 1733, au sujet de la bandite de la Gordolasque, cette fois entre Belvédère et Lantosque. La relation a lieu à La Bollène, sous l’égide du baile local, agent de première justice, Pierre Antoine Serra, qui en a reçu légation par le Sénat de Nice le mois précédent. Nous retrouvons, nommés experts, le même notaire de Saint-Martin, Jean André Cagnoli, mais aussi François Robaudi d’Utelle, chacun pour les communautés concurrentes, respectivement pour Belvédère et pour Lantosque. La procédure est toujours la même. Le baile présente aux experts les Saintes Écritures afin qu’ils prêtent serment, et s’informent auprès d’eux qu’ils ont bien compris « la force et l’importance » de l’acte qu’ils viennent de pratiquer, afin de « dire en parole de vérité » leur relation.
Nommés le 6 juillet, ils se déplacent sur place le 21 pour procéder à la « visite des limites », accompagnés par les représentants des deux villages concurrents. Lantosque envoie une délégation de six personnes sous la direction de ses deux syndics, Barthélémy Bufone et Charles Antoine Daloni, et de leur secrétaire communal, également notaire, Joseph Bufone. Il en va de même pour Belvédère, dirigé par son syndic Jean Baptiste Daloni, accompagné de trois conseillers. Les délégations sont assistées par l’avocat Jean François Rainardi, représentant la Cité de Nice. On imagine fort bien, par un beau matin de juillet, la petite troupe se donnant rendez-vous à proximité du lieu où doit débuter l’opération.
Celle-ci commence en s’appuyant sur un très ancien et fameux document, l’acte de délimitation enregistré par le notaire de l’époque, Pierre Nitardi, le 20 septembre 1494 ! Il s’agit de l’acte fondamental de l’histoire de la Terre de Cour, auquel font encore référence, en 1733, près de 2 siècles ½ plus tard, les plénipotentiaires communaux. Les limites du pâturage « à partir de la croix retrouvée sculptée sur un rocher du quartier di Giboin » (l’actuel Engiboï), puis une autre à proximité, et une troisième qui se trouve « sous la route qui va à la cabane », à 25 palmi, soit un peu plus de 132 m de là. Les pierres sont choisies afin d’éviter, sinon limiter toute possibilité d’être déplacées. Et quand la limite se trouve près d’un torrent, il est bien précisé qu’elle est choisie assez loin (« d’un tra di pietra », d’un trait de pierre…) afin d’éviter tout déplacement naturel de la pierre, mais que la ligne séparative se situe bien au cœur du vallon. Les confronts sont également énoncés. Il s’agit de bien identifier le lieu. Aussi, est-il fait appel au voisinage : « d’autre part, les champs de François Laurenti, garaciati », entendons en friche. Enfin, les terres communes… l’acte multiplie les références afin d’éviter toute ambiguïté de localisation, tout empiétement qui se ferait au détriment des propriétés privées et publiques hors celle de la bandite louée.
Les délégations suivent alors le tracé des limites, « verso tramontano » (vers le nord) afin de retrouver les autres croix décrites dans l’acte « fondateur ». Une nouvelle est « retrouvée sculptée sur une pierre longue ». Celle-ci pose problème et est l’objet d’une controverse. Elle est jugée « non conforme aux descriptions de l’acte de limitation ». Il est alors fait appel à un voisin, Jean-Louis Giautardi, de Belvédère mais habitant à Lantosque, qui déclare qu’elle représente « la poncia di limiti », l’extrémité du territoire à borner. Les deux croix qui auraient dû marquer les limites de la bandite sont alors déclarées être de simples « termini divitori de campi », soit des divisions de champs, repoussant les marges de la Terre de Cour plus au nord.
C’est encore le cas en 1738, cette fois dans le vallon voisin du Spalhart, sur le versant nord de la cime de La Valette. Il s’agit cette fois de délimiter un territoire de la Terre de Cour, au quartier La Valletta dit l’Amorosea que la commune de Belvédère souhaite reboiser. Mais il faut pour cela en interdire l’accès aux troupeaux qui ruineraient toute tentative de repousse. Il est convenu que les animaux de Roquebillière, qui avaient jusqu’alors l’usage du vallon (ce que confirme la convention de 1494), ne pourront plus fréquenter le pâturage durant 8 ans.
C’est à l’expert nommé, Joseph Antoine Ongran, notaire à Saint-Sauveur, que revient la tâche d’établir les limites du terrain à reboiser, ainsi que d’établir le règlement qui devrait en assurer la bonne marche. Celui-ci débute sa mission par « la vérification de l’état et [par le] dénombrement des petites plantes » (les arbres), accompagné des représentants des deux communautés. L’acte se veut comminatoire : agir de cette manière doit éviter de « raviver la guerre » entre les deux communes ! Il s’agit alors de borner la zone à ré-emboiser, délimitée entre les croix établies par convention entre les deux communautés concernées.
La relation débute : « pour première limite a été gravé un signe de deux bras sur la face regardant à l’ouest d’un rocher existant au Collet dit La Croce di Bombet, distant de la route qui se rend à l’église de la Très Sainte Vierge de Fenestres pour 16 cannes environ [soit plus de 33 m], l’un des bras tendant vers la partie nord où née la source dite La Malaigo… ». (la « mauvaise eau »).
L’autre bras, celui vers l’est, trace une ligne droite jusqu’à une autre croix « sculptée sur la face vers l’est d’une pierre basse existant sous la route ou draïra » qui est destinée au passage des bovins. L’acte s’applique à organiser le passage des bestiaux afin qu’il ne soit pas porté préjudice au reboisement, et pour cela précise qu’à environ 47 m (22 canne 9 palmi) de la dernière croix, il est établi divers signes de croix permettant de franchir entre ces limites le territoire reboisé sans lui porter préjudice et d’atteindre le pâturage restant de la manière la plus simple possible.
« Depuis la 1ère croix sculptée par principe du passage qui va directement vers le nord jusqu’aux vastieres [les enclos - NDL] inférieures des deux eaux sotrane et soprane, de là monter jusqu’au pied du bosquet supérieur vers le nord, lequel fait face aux Balmons, il est gravé voisin à un gros arbre de mélèze une croix sur un rocher long et en tête duquel à la face qui regarde vers le nord, il a été procédé à une autre gravure sur la face vers l’ouest d’un rocher bas lequel se trouve sur la petite draï qui cette fois monte vers le midi ».
Toutes les précautions sont prises pour éviter la divagation des animaux. Pour cela, il est « spécifié que sur la petite draï vers le nord sera assignée un passage d’une largeur de 143 m [22 canne] jusqu’à l’autre croix gravée sur le dos d’un rocher long qui regarde au nord, et de là continu le dit passage par la dite draï, laquelle tend vers midi, qui va à la vastière supérieure, il s’entendra que la dite draï sera libre de pâturage dans sa partie midi, avec déclaration que la dite ultime croix vers le nord exclura le passage susdit.
Il restera le site dit du Collet, ou Ibagon, qui dans sa partie nord se voit réservé pour le reboisement jusqu’à la Roche Grande sous laquelle existe un grand clapier, et de la dite dernière croix tendant vers le midi est gravée une autre croix à la face ouest d’un rocher qui est à une distance de l’autre croix d’environ 85 m [13 canne] et existant sous la dite draï, laquelle moyennant l’intervalle de 400 m [62 cannes] environ jusqu’à un autre rocher sur lequel sur sa face nord un peu au dessus de la terre a été gravée une autre croix sous la dite petite draï, et à distant du vallon qui reste au midi à 50 m [8 cannes], traversant le vallon et remontant par la dite petite draï, se trouve une autre pierre basse existant sur la crête du Collet et sous la dite draï correspondant à la 1ère croix du Collet dit de la Croix di Bombet ».
Le site de reboisement est établi entre ces croix.
L’acte nous apporte d’importantes précisions micro-toponymiques, et répond à quelques questions sur des découvertes que l’on peut réaliser parfois lors de l’arpentage du territoire. Il démontre surtout la précision avec laquelle les espaces sont connus intimement, pour cela dénommés, et donc pratiqués. C’est encore le cas de nos jours des éleveurs, seuls véritables connaisseurs du territoire, ou des chasseurs de manière plus anecdotique. C’était le cas de nombre de personnes aux XVIIIe s., résultante d’une nécessité d’usage et de préservation de droits acquis sur de longues durées (généralement depuis les XIIIe-XIVe s.) et de ressources essentielles à l’équilibre économique des villages.
L’acte permet de considérer comment des communautés voisines s’entendent, certes difficilement car il y a perte de ressources immédiates, pour « geler » un territoire durant de nombreuses années afin de préserver l’avenir en recréant de la richesse. La capacité des communautés à avoir une politique sur le long terme se confirme par celle, rétroactive, de conserver le souvenir des limites séparatives en faisant appel à l’acte mémoriel du 15 septembre 1494. Nous sommes bien loin de l’incurie administrative présumée dénoncée en 1943 par une Administration forestière sous tension.
C’est encore à cet acte qu’il est fait référence à la fin du siècle quand, sur recommandation du Sénat, il est procédé entre les mêmes communautés de Belvédère et Roquebillière à la vérification des limites de la Terre de Cour. Ce sont les notaires André Cagnoli de Saint-Martin, et Uberti, qui en assurent la relation… nous connaissons la suite.
L’Annexion du Comté de Nice à la France en 1860 régénère le problème, jamais enterré, au moment de l’instauration du droit français et plus particulièrement du Code Forestier. Le bornage des forêts dans l’espace de la Terre de Cour pose encore de sérieux problèmes. La Commune de Lantosque s’en ouvre auprès du Préfet en avril 1861 en espérant obtenir une décision approuvant ce qu’elle estime être ses droits. Le maire fait pour cela explicitement référence à des « incidents fâcheux qui ont eu lieu », et espère ainsi en appeler au maintien de l’ordre public, tout en se dédouanant auprès des autorités supérieures de possibles débordements. Inversement, et comme on pouvait s’y attendre, la revendication de Belvédère tend à rappeler que le droit de propriété lui revient, et que sa voisine ne possède qu’un usage du pâturage sur ces territoires. Au bout d’une très longue procédure, la question reste une nouvelle fois intranchée, restaurant le statut quo ante.
3. La forêt ressource
Car la forêt est avant tout une ressource essentielle pour les Communautés villageoises. L’Administration s’en préoccupe très tôt. Il s’agit même pour elle d’un moyen d’affirmation de la présence de l’État face aux revendications localistes des Communautés villageoises. Celles-ci en avaient d’ailleurs fait un même élément de revendication quelques siècles plus tôt.
Fin XVIIIe s., l’État lance de nouvelles enquêtes destinées à connaître les ressources économiques de chaque communautés, dans un but non seulement fiscal mais aussi militaire. Belvédère y répond le 27 décembre 1782.
À la demande de décrire la qualité des bois, le Conseil répond qu’elle est jugée « suffisante aux besoins des habitants », qu’ils « n’en manquent pas », mais qu’elle n’est pas pour autant « surabondante », tentant de se prévaloir d’un quelconque prélèvement. Plus que la quantité disponible, le véritable problème qu’évoque le village reste la distance. Les bois de Fenestres sont décrits comme de bonne qualité, en melice, sapi e serente, mais éloignés de 5 h de marche, ce qui explique que « peu d’habitants peuvent en profiter ». Restent les deux « petites forêts du Tuor et de Bessona » dont la vente des bois sert à « l’extinction des dettes communales ». L’enquête précise encore que seule « une petite quantité reste à usage des constructions et des autres besoins locaux ».
Concernant l’usage des bois, il existe également quelques châtaigniers, mais les autorités communales précisent rapidement qu’il s’agit de biens privés. Les bois sont généralement utilisés « pour la construction et les réparations des maisons d’habitation, des bâtiments ruraux et des alberghi in montagne » qui appartiennent aux particuliers du lieu. Comme précédemment, le Conseil s’empresse d’affirmer que les prélèvements destinés aux besoins locaux se font pour ce qui est « seulement nécessaire », sans qu’il puisse être reprocher un quelconque gaspillage, une gabegie de la ressource... Une telle insistance qui dénote à la fois le souci de ne pas paraître trop aisé mais aussi de se prévaloir d’une possible imposition supplémentaire, soulignant une inquiétude latente de la part des édiles, bien forcées de répondre aux demandes de l’Intendance.
Approfondissant les demandes, l’Administration s’enquière d’une quelconque industrie qui nécessiterait l’utilisation de volumes – sans doute considérables – de bois. Une fois encore, la Municipalité tente maladroitement de minorer ses réalisations, sans toutefois aller jusqu’à travestir la réalité. Il n’y aurait donc pas de « four à briques », et bien peu de fours à chaux et à tuiles, mais plutôt à gypse – dont on sait la chauffe moindre pour obtenir le résultat escompté – pour lesquels il est dit qu’il ne « s’utilise aucune quantité de bois de haute futaie, mais seulement de bois de taillis sauvages et d’arbres domestiques des particuliers ». Et de préciser qu’il « n’existe pas dans le lieu et territoire d’art ni de métier qui exigeraient l’utilisation de bois »…
Autre argument, il faudrait, selon la Communauté, 100 ans pour que les bois arrivent à maturité de coupe, car ils seraient « situés dans des terrains pauvres » ! Argumentaire ambigu, car c’est bien l’Intendance qui autorise toute nouvelle coupe que souhaiteraient réaliser les communautés villageoises. En exagérer le temps de maturité équivaudrait à se priver sur le long terme de certaines ressources. L’Intendance s’inquiétant de possibles abus, la Communauté en profite pour se plaindre de ne pas savoir qui profite de l’éloignement de la forêt de Bessona pour y abattre des arbres « immatures » sans risque d’être appréhendé. Personne ne peut surveiller le territoire en permanence, ce qui implique que les dommages causés ne peuvent être compensés.
Enfin, concernant l’exploitation des bois, les autorités locales insistent pour rappeler que la Gordolasque est peuplée d’une multitude de truites qui apportent un réel avantage à la communauté par la location du droit de pêche, ce qui a sans doute une incidence sur la pratique du flottage du bois. D’autres parts, l’organisation du territoire communal, tout en vallons et torrents, rend difficile la plantation d’arbres en bordure de ces terrains, ce qui pourtant aiderait à leur préservation.
Il est loisible de comprendre à ces énonciations la fragilité de la forêt, mais également avec quelles précautions les autorités villageoises répondent aux demandes régulières des pouvoirs publics pour connaître leur étendue et leur nature. La Municipalité, sur le mode déclaratif, comprend bien, sans pouvoir l’éviter, qu’il s’agit là d’un moyen supplémentaire que l’État utilise pour mettre au pas l’autonomie villageoise. Il s’en prend alors à son ultime et plus précieux revenu, celui des forêts. Et révèle le niveau de conscience qu’entretiennent les Communautés villageoises de la richesse potentielle des forêts qu’elles s’évertuent à gérer, à mettre en adjudications à son plus grand bénéfice.
Les coupes, une nécessité, une bonne affaire ? Pour qui ?
Revenons quelques décennies plus tôt pour rencontrer l’un des grands exploitants forestiers, toujours à Belvédère. Il s’agit d’André Boetto, fils de feu Jean, de Lantosque, qui s’est rendu, le 16 juillet 1730, adjudicataire « des arbres utiles du bois de Fenestres », mélèzes, épicéas, pins…
Mais extraire les bois de Belvédère de la forêt de Fenestres nécessite de traverser le territoire de sa voisine, Saint-Martin, seul débouché géographique possible. Cette obligation rend nécessaire l’établissement d’une convention, en 13 chapitres, signée le 12 avril 1729, entre les deux communes. Elle fixe les obligations des deux parties, permettant à l’exploitant de sortir les bois par flottage (uso di bilioni per acqua), à défaut d’autre moyen terrestre existant qui serait propre à Belvédère. Cette autorisation ne vaut que pour ces catégories de bois, les biglioni, troncs ébranchés ne dépassant pas les 3 m de longueur… Ni plus longs, ni plus court (« prohibizione di fare antenne, giaine e quartoni, ma sola come sopra biglioni »), est-il même précisé, sous peine de voir l’autorisation supprimée (Chapitre 6). Il est d’ailleurs prévu que les éventuels dégâts causés aux terrains riverains des cours d’eaux, tant communaux que privés, seront dédommagés soit par la Communauté de Belvédère, soit par son exploitant, solidairement (Chapitre 10). De même, il est interdit aux exploitants de « prender alcuna sorte di barre » (Chapitre 8) dans les bois de Saint-Martin pour la conduite des biglioni. Les rondins extraits le seraient au préjudice des futurs arbres de haute futaie. Par ailleurs, il est interdit à Belvédère de faire extraire ses bois par les tire de la Communauté de Saint-Martin, preuve de leur existence (Chapitre 3) et d’une gestion structurée des bois de ce village dans le vallon de Fenestres. Belvédère possède le droit d’en établir à sa convenance (Chapitre 12) là où elle le jugera nécessaire, mais de préférence sur son territoire. Dans le cas d’une dépense exagérée et argumentée, elle pourra tout de même l’établir sur les terrains communaux de Saint-Martin. Dans tous les cas, tout arbre abattu pour cette raison, ou seulement abîmé obligera à payer 23 sous l’arbre. Il est également convenu que l’exploitation conserve l’opportunité d’établir une scierie (Chapitre 5). Quand il en aura exprimé le désir auprès de la Communauté de Saint-Martin, celle-ci aura pour obligation de lui mettre à disposition un terrain communal, gratuitement. Par contre, si l’exploitant choisi un terrain privé, il en aura certes la possibilité, mais le coût de location lui reviendra. Belvédère devra donner les bois nécessaires à cette construction. Il est même prévu, degré de précision ultime, qu’au cas où les bois proviendraient des forêts de Saint-Martin (ce qui est vérifié par des agents assermentés), l’opération coûtera à Belvédère 31 sous… Une close de préférence communale est introduite (Chapitre 7) pour favoriser, « durante il territorio di detto luogo », les travailleurs de Saint-Martin, pour « boscare, tirare e condurre li biglioni par aqua ». L’opération se conclut par le paiement d’une somme de 750 £, « en deux paiements égaux, le premier lors de l’année de deboscamento, et l’autre à la fin du temps ».
Cette convention cadre permet une appréhension fine des obligations de chacune des parties lors de l’exploitation forestière. Validée par les autorités syndicales des deux villages (Jean Paul Matteudi et Jean-François Ingigliardi pour Saint-Martin, Jean André Laurenti pour Belvédère), elle entre en fonction pour 9 ans, prorogée en cas d’imprévus (généralement en cas de guerre…) après arbitrage de l’Intendance Générale. C’est d’ailleurs ce qui se passa en 1734, à la suite de « l’invazione de banditi, cose tutte notorie » pour reprendre les mots de l’auteur…
L’acte d’adjudication précise les conditions de l’exploitation. Seuls les arbres d’au moins 4 palmes ½ de circonférence pourront être abattus pour réaliser des planches, production la plus avantageuse et rémunératrice.
À l’issue de chaque saison, les représentants de la Communauté réalisent, conjointement avec l’exploitant ou son représentant, un dénombrement des arbres abattus, et un classement en qualités des troncs obtenus. C’est Cagnoli qui se charge de la relation définitive, précisant la méthode employée pour le comptage : « un arbre de recette et facturable doit faire 4 biglioni, le premier de planches, 2 de quarante et 1 autre de falchetta ; et les falchetieri doivent faire 4 biglioni qui font tous falchete de mesure d’une main ouverte… ».
C’est ainsi que pour la période du 6 août au 26 octobre 1731, il est dénombré 1 434 tavolieri, 2 798 quarantieri et 2 806 galchetieri, soit un total de 7 038 arbres… total duquel l’exploitant avance alors de nombreux retranchements. Pour arbres abîmés, d’extraction difficile (comme ceux du quartier fonfrea la grande, ou ceux situés sur des cimes), ou utilisés, comme lui est donné le droit, pour construire le logement des hommes, les scieries nécessaires à l’exploitation.
Il lui faut alors s’acquitter des droits d’adjudications.
Et c’est le 6 avril 1733 que Boetto verse à la Communauté, représentée par ses syndics Jean Baptiste Dallony et Jean Baptiste Gaudino, 1 210 £ et 8 sous, en présence des témoins Joseph Laurenti et Jean André Eusebio, qui en donnent quittance.
Somme considérable, ce versement n’est pas réalisé en une seule fois, bien au contraire. Ils s’échelonnent depuis le 16 juin 1730 (quasiment 3 ans), alors que Boetto verse entre les mains du syndic 3 séquins (pour une valeur comptable de 26 £ 5 sous). En janvier 1731, c’est un intermédiaire, l’avocat Cappello, qui paie un certain Flaminio Rainardi pour la réparation de la loba, la scie d’abattage, dépense qui entre en compte comme frais en déduction (9 £ 5 sous). Des dépenses annexes que l’exploitant fait valoir, comme lorsqu’il doit se rendre à Nice (« vacation pour la dite affaire », 5 £).
D’autres procureurs reçoivent de petits versements, comme Fighiera pour 4 £, l’avocat Castelli pour 2 £ 11 sous, Jean-André Laurenti à l’occasion du budget pour 5 £ 5 sous ; ou plus conséquent au notaire Joseph Laurenti en deux versements les 19 janvier et 22 février pour un total de 52 £ 11 sous... Mais l’essentiel est versé entre les mains des différents syndics, comme à Jean André Eusebi pour un versement de 15 £ 15 sous, et un autre de 375 £. Mais aussi aux syndics Eusebi puis Rainardi…
Au total, 26 pièces de quittances sont conservées pour ce seul avoir, de juin 1730 à août 1732.
Continuant les actes de la pratique, nous suivons pas à pas le déroulé des opérations. Un nouveau dénombrement à lieu durant quatre jours, du 2 au 5 octobre 1733. Boetto se rend dans le bois de Fenestres accompagné de Joseph Laurenti, Jean Baptiste Rainardo et Jean Paul Dobis, députés par la Commune. L’action débute au quartier Lapasset, « vers le lieu de Saint-Martin », où se trouve une croix de délimitation à proximité de la source appelée Fuon freia la Grande, descendant ensuite tout son vallon jusqu’au Cluot. Les experts dénombrent sur ce terrain 2 304 arbres abattus qui peuvent être facturables. 44 arbres (1,8 % du total) sont jugés giani, inutiles dont non facturés.
Mais les comptes restent souvent en suspension, difficilement solvables. C’est ainsi que la Communauté prend acte que l’exploitant Boetto n’a pas encore réglé, le 29 novembre 1734, la totalité des bois coupés avant le 25 octobre 1731 (programme qui correspond à l’acte de vente du 16 juillet 1730), pour lesquels il n’aurait réellement versé que 260 £. La reconnaissance, enregistrée par le notaire Jean André Laurenti, permet un nouveau délai d’un an à l’exploitant, jusqu’au 25 novembre suivant, mais rappelle que celui-ci devra désormais verser les intérêts légaux de 5 % entre les mains du syndic. Cela fait dont 4 ans révolus que l’acte initial a été passé, période durant laquelle la Communauté tente d’obtenir le règlement intégral des arbres vendus, sans qu’il y ait pour autant rupture entre les différentes parties en cause. Le 12 mai 1736, Boetto reste encore redevable de 75 £…
Autre exemple, qui s’inscrit dans les mêmes comptes, 21 versements sont effectués entre le 25 octobre 1730 et le 6 juin 1733 pour apurer une somme due de 1 000 £. Ils sont précédés, formellement, par le versement de l’intérêt courant depuis le précédent versement. Le premier délai oblige à un intérêt de 9 livres et 3 deniers (2 mois et 7 jours) ; passe 1 mois ½ et le versement suivant s’élève à 6 livres 8 sous 11 deniers… De mars à août 1731, par contre, les (9) versements se font plus réguliers, les intérêts moins conséquents. C’est le temps de la vente du bois, des rentrées d’argent dont une partie sert à réduire la dette. Ils s’arrêtent pour une période plus longue après novembre, pour ne reprendre qu’en mars de l’année suivante. Il en va de même entre octobre 1732 et mars 1733. Ces deux périodes marquent les temps faibles des rentrées d’argent, périodes durant lesquelles les trésoreries communales souffrent le plus. Au total, les intérêts dus se montent à 62 livres et 18 sous pour les 1 000 livres de dette. On notera justement l’importance de la ressource, qui représente plus de 6 % du total, sur une période somme toute assez courte de 29 mois, et qui bénéficie à la Municipalité. Au 25 octobre 1734, Boetto doit encore 3 000 £, ou plus exactement 180 £ 6 sous 6 deniers, son dernier versement, le 6 juin 1733, de 400 £ venant clore la dette de 219 £ 13 sous 6 deniers.
Plus problématiques sont les cas de non versements ou de retards, nombreux, portés systématiquement à la connaissance du baile local, faisant office de justice de proximité.
Un second décompte est réalisé pour la période de juillet 1733 au 6 mai 1736, durant laquelle 21 écritures sont inscrites par le syndic Jean Ludovic Giacobi au titre des paiements de l’entrepreneur forestier.
Notons que le 19 août 1734, Boetto verse, en lieu et place de la Commune, 800 £ puis 200 £ le 15 décembre, enfin 400 £ le 1er mars, le tout à la Royale Trésorerie installée à Lantosque, au titre du Donatif ou pour apurer les dettes communales envers ses voisines. C’est le cas pour 375 £ versées à Saint-Martin le 5 septembre 1734, paiement confirmé par la quittance accordée à Boetto par le syndic Raphaël Castello. Les autres versements sont rarement supérieurs à 50 £, et plus généralement ne concernent que quelques livres, parfois même une seule, « versée sur la table » avant d’être retirée par le syndic qui en donne quittance.
L’acte de dénombrement suivant a lieu le 7 octobre 1737 (l’opération de terrain semble avoir eu lieu le 16 septembre précédent), réalisé par le syndic Jean Baptiste Rainardo, le secrétaire Joseph Laurenti, et par Barthélémy Brocardo de Saint-Martin représentant Boetto. 2 166 arbres y sont comptabilisés, y compris 410 encore à abattre. Les députés s’accordent pour considérer 13 arbres garri (3 tavolieri, 3 quarantieri et 7 falchetieri), mais aussi 162 autres qui auraient déjà été comptabilisés lors de le déclaration du 5 octobre 1733. 30 arbres sont enfin déclarés avoir été coupés au profit de la Communauté de Saint-Martin, et ne sont pas pris en compte.
Du 15 au 19 septembre 1739, ce sont les syndic Paul François Rainardi et notaire Joseph Laurenti, avec le délégué Barthélémy Brocardo, qui inspectent le bois de Fenestres pour y dénombrer les arbres abattus. Cette fois, 2 116 arbres, dont 57 garri (33 tavolieri et 24 quarantieri) sont comptabilisés, décompte ne comprenant pas une quarantaine d’autres déjà relevés. L’année suivante, du 15 au 17 septembre, ce sont les syndics Ludovic Castelli, Paul François Rainardi et le secrétaire et notaire Jean André Laurenti qui y procèdent, toujours accompagnés par Brocardo de Saint-Martin. 620 arbres sont comptabilisés, dont 79 abîmés pour une raison ou une autre et non retenus.
C’est finalement le 20 avril 1742, soit quasiment 12 ans après la notification de la vente que celle-ci est définitivement réalisée. Un énième bilan est dressé par le Secrétaire de Belvédère, faisant état des arbres coupés selon leurs natures (tavolieri, quarantieri, falchetieri). Puis viennent les retranchements réalisés pour mauvaise qualité, arbres « de cimes », ou encore pour cessions à diverses instances (comme ceux cédés à la Communauté de Saint-Martin…). Au total, 7 323 arbres estimés pour 4 725 « vendables », moins les cessions, soit 4 486 arbres, à raison de 30 sous l’un, pour un total de 6 709 livres.
Il ne faut pas pour autant voir dans ces valeurs le bénéfice net de l’entreprise. La Communauté, au fil des mois, loin d’être attentiste, doit se pourvoir de mille façons pour s’assurer des versements attendus. Dès 1731, le syndic Jean André Eusebi doit se rendre à Nice pour discuter avec les avocats de la Communauté pour une affaire concernant le sire Raynardi au sujet de la vente de ces bois (15 £ 15 sous) ; plus tard, l’autre syndic, Jean Baptiste Rainardo, de nouveau pour son voyage à Nice avec l’archiviste (13 £ 2 sous) ; ou pour le paiement d’actes au notaire pour 18 £ ; ou encore les vacations pour l’inventaire des bois de Fenestres à Joseph Laurenti pour 79 £… l’ensemble représentant, pour cette seule année 1731, une diminution de 375 £ 6 sous 6 deniers pour « frais généraux », soit 18,78 % de la somme due.
Jean André Boetto s’emploie d’ailleurs à maximiser ses dépenses déductibles, par une série de remontrances signées depuis Roquebillière le 16 avril 1742. Pointilleux, il chicane sur le nombre exact d’arbres quarantieri (2 748 au lieu de 2 798 comptabilisés par la Commune). Suit une série de défalcations selon les natures d’arbres. Puis l’exploitant souligne les difficultés d’exploitations dans le quartier de Fonfrea, qui ont nécessité un surcoût important, estimé à 30 sous par jour. Ou encore pour les bois réservés à la réalisation des ponts et des protections (parabande), soustraction dénoncée par deux attestations fournies par le syndic Rainardo, et vérifiés par la « connaissance des experts » ; Les 30 arbres utilisés pour la construction de la cabane (casoto), estimation réalisée par les experts. Pire encore, la déjà notée « invasion des bandits » ; les avalanches hivernales, et moins conjoncturelle et plus durable, la diminuzione dell’aqua (l’année n’est pas précisée), obligeant à sous-employer les 80 hommes de la coupe, événement qui cause, d’après Boetto, un préjudice « de plus de 1 000 £ »… et qui « stato obligato a conduore li biglione per un bedale » (qui obligea à ouvrir un canal pour conduire les billes), provoquant un surcroît de travail et un ralentissement de l’extraction pour une perte estimée également à un millier de livres. Enfin, l’exploitant fait état d’avances qu’il aurait réalisées pour frais divers de déplacement et de représentation à Nice, relevant normalement des finances communales, et qui doivent lui être remboursées.
Au final, à l’écouter se pose la question de la rentabilité de l’opération, conclue une douzaine d’année après son lancement. Exploiter une forêt dans ces conditions relève quasiment de l’évergétisme, de l’œuvre caritative tournée vers les bénéfices de la Communauté villageoise. On pourrait justement se poser la question de son utilité, pour un village qui n’en tire finalement bien peu d’autres ressources que le paiement direct d’une partie de ses dettes auprès de l’État et de ses créanciers, sans avoir à s’acquitter elle-même des sommes dues. Sans parler de très nombreuses tracasseries administratives sinon judiciaires.
Car l’affaire se termine par une action en justice au long court. Le 17 mai 1742, le syndic Jean Baptiste Laurenti et le notaire secrétaire Jean André Laurenti paraissent devant le notaire Jean Baptiste Drago, baile de Roquebillière et délégué de l’Intendance Générale à cet effet, pour entendre sa sentence dans l’affaire qui oppose Belvédère à Jean André Boetto.
Alors que les syndics se succèdent, les finances communales doivent enregistrer les différentes rentrées des ventes d’arbres durant de longues années. La mémoire de ces versements passent par le secrétaire communal, également notaire, Jean André Laurenti, qui fait office de « mémoire » de la dette. La durée de l’opération de recouvrement des sommes de la vente démontre d’ailleurs, malgré quelques imperfections constatées, que l’organisation municipale est capable d’assurer une gestion longue, malgré le changement annuel des fonctions communautaires.
Mais alors que la première affaire n’est pas terminée, la Communauté de Belvédère, réunie en Conseil dans l’école communale, avec l’autorisation du baile Paul François Rainardi, sous l’autorité des syndics Ludovic Salvatico et Ludovic Castelle, en présence des conseillers, décide de mettre en vente « les arbres storti, petachi, guarda boschi, Jianni et antichi qui se trouvent encore dans les bois de Fenestres ». Visiblement en besoin pressant de finances, la Communauté argumente que ces arbres dépérissent, et qu’ils seront prochainement de faible prix. Puis, cherchant toujours de nouvelles ressources, elle ordonne que soient faits les inventaires des quartiers de la Musella. La succession rapide des demandes de coupes forestières que réalisent les communautés villageoises en ce milieu du XVIIIe s. mettent en évidence les grandes difficultés financières qu’elles traversent lors de ces décennies de guerres et qu’il conviendra de contextualiser.
C’est pour la même raison que Belvédère fait une nouvelle fois évaluer ses forêts du vallon de Fenestres. Le 4 juin 1740, le baile de la Communauté, Paul François Rainardi, reçoit le rapport des experts nommés pour cette charge, Barthélémy Brocardo de feu Jean et Joseph Martin de feu Jean Andréa, tous deux de Saint-Martin. Après avoir prêté serment sur les Saintes Écritures, ils rendent compte du nombre d’arbres de 2 palmes ½ de circonférence qu’il est encore possible d’abattre. Mais aussi de ceux, abîmés (« storti, petachi, guarda boschi, giaini et antichi ») qui n’ont pas encore été abattus par l’exploitant Boetto. Tous étant déclarés, pour répondre aux obligations imposées par l’État, ne pas être utiles à la Marine. Jugés « de peu de valeur » et « dispersés dans le dit bois », ils sont proposés à la vente, le 21 juin, à Belvédère, mais aussi à Roquebillière, Lantosque et La Bollène, « lieux voisins », comme cela se fait de manière habituelle, et dans l’urgence pourrait-on rajouter. Trois jours d’enchères publiques, à la sortie de la Grand’Messe, auxquels succèdent le jour de la délibération au dernier et plus offrant. La proposition est officialisée sur ordre du vice-intendant Ricci. Le 23 juin, l’appel est fait à Nice par « trompette publique », devant « le Palais de cette cité », au Collet, au Pont et à la Logia, lieux habituels, en présence des témoins requis. Deux jours plus tard, même appel proposé à l’Escarène, par le messo giurato par tambour ; le 26, à Lantosque par messo giurato ; le 29 à Roquebillière, « par tambour publique à haute et intelligible voix, devant l’arbo pretorio » où sont habituellement affichées les annonces officielles ; le même jour à Saint-Martin et Belvédère ; le 7 juillet, enfin, à La Bollène, par le messo giurato de Lantosque…
C’est le 10 juillet qu’ont lieux les premières enchères, à Belvédère comme convenu, après trois appels du tambour du serviente giurato, devant l’albo pretorio du village, et après la lecture faite par le Secrétaire communal de la proposition initiale. Le premier à lancer les enchères est Baptiste Brocardo, de Saint-Martin. La semaine suivante (17 juillet) ont lieu les secondes enchères, sur ordre du Juge Jean-Baptiste Rainart, à la sortie de la Grand’Messe. Les troisièmes la semaine suivante (24 juillet). La quatrième, enfin, à lieu le 31 juillet.
Le 7 août ont alors lieu les échanges de propositions. Comparaissent alors Charles Antoine Dallony de Lantosque et Joseph Martin de Saint-Martin. La Communauté souhaite adjoindre aux arbres storti ceux des « petites forêts » de Bessona (pour 100 « arbres salvatici » de bois blanc) et du Tuor (25 arbres melice)... Le même jour, Charles Antoine Dalloni renchérit d’1 sous par arbre. Joseph Martin ne s’en laisse pas compter et propose 2 £ par arbres…
Le 16 août, reprennent les enchères : 14 sous par Martin; plus 2 deniers par Dalloni; Martin rajoute 4 deniers ; Dalloni 6, « ce qui font 15 sous par arbres » ; Martin monte jusqu’à 2 £ ; Dalloni 2 deniers de plus ; Martin 2 autres, « qui font 15 sous ½ » ; Dalloni 16 sous : Martin 16 sous 2 deniers ; Dalloni monte à 16 sous ½ ; Martin 17 sous ; Dalloni 17 sous ½.
À l’extinction de la chandelle, les arbres sont délibérés à 18 sous l’un à Joseph Martin, dernier et meilleur offrant, « toccate … le mani a detto sindaci », tapant dans les mains du syndic, en présence des témoins Ludovic Giuglaris feu Pierre et Honoré Cervello feu Pierre, tous les deux de Belvédère.
Une convention est établie. La somme totale devra être payée par moitié dans 1 an ½, l’autre moitié à la fin des 3 ans prévus pour la coupe. Un dénombrement des arbres concernés devra être réalisé auparavant. Saint-Martin devra « tenir libre le passage ». Par contre, les dépenses d’extraction et de conduite resteront à la charge de l’enchérisseur… Enfin, la Communauté rappelle qu’une fois les arbres abattus, le bois devra « être laissé au reboisement suivant les prescriptions des Constitutions Royales », mention soulignant la prise de conscience de l’État et l’adhésion de la Communauté villageoise à la pérennisation de la ressource forestière.
Tant d’actes et de temps passé autour d’une coupe forestière et de sa résolution, de déplacements sur Nice et de contacts réguliers avec les services de l’Intendance Générale désormais « à la manœuvre », posent à l’évidence le problème de sa rentabilité. Les comptes particuliers émanant de ces transactions font apparaître une multitude de transactions de faible importance, qui ne sont réalisées que dans l’objectif d’une gestion de l’immédiateté, afin de ne pas perdre trop d’argent et de compenser les dépenses immédiates que la gestion de la coupe engendre. C’est dans cet objectif que se démènent les édiles locaux, malgré la succession des charges. Par contre, ces « faux frais » couverts par l’exploitant ne semblent pas pour autant représenter des charges insupportables pour ses affaires. Même si la source à ses limites, nous ne connaissons pas, par exemple, les résolutions de la vente ni à qui sont vendus ces bois une fois arrivés à Nice, elle met plutôt en évidence une tension extrême supportée par la Communauté villageoise. La vente des bois, nécessaire pour ne pas perdre définitivement la ressource, car le bois s’abîme en vieillissant, engendre une telle dépense d’énergie qu’il faut sans doute y voir une nécessité absolue pour la Communauté d’y procéder. Les raisons sont connues. Il s’agit de pourvoir aux dépenses de l’État (le Donatif…) en obtenant une rentrée réelle de numéraire ou le cas échéant le paiement par un tiers de ces mêmes impôts ; mais aussi de subvenir aux besoins les plus criants de la Communauté confrontée aux temps de guerre, ponctionnée plus que de mesure ; mais encore, le cas échéant sur la marge, de libérer ainsi quelques autres revenus pour subvenir aux progrès sociaux locaux, comme celui de la création de l’école communale et du versement des émoluments du maître d’école.
Dans tous les cas, cette succession d’actes administratifs démontre avec quel nécessaire dynamisme sont gérées les Communautés villageoises bénéficiant de ressources forestières qu’elles escomptent bien exploiter. Ils les inscrivent dans une échelle originale, celle d’un large marché du bois, dépassant très amplement les habituelles relations commerciales de proximité où le village est généralement un acteur passif de l’échange.
L’exploitation comme moyen d’affirmation de la propriété communale
Pour démontrer l’implication communale dans ce marché et tenter d’en donner la mesure, les exemples ne manquent pas.
Il s’agit cette fois de la vente d’arbres des bois de Salèses, Aigliera et Ciampé, par la Communauté de Saint-Martin, à une époque contemporaine de la transaction de Belvédère. Saint-Martin reçoit de l’Intendance l’autorisation de cette vente le 6 août 1739, validant les ordonnances municipales des 13 et 19 avril qui demandaient que l’on procède aux enchères. Celles-ci débutent le 17 novembre en proposant 12 sous par arbres comme mise de départ. Les ordonnances permettent également l’installation d’une scierie et fabrique qui devra être construite sur le site du Caïron di Gore Escure, précisant même que « l’ancienne scierie avait été emportée par la dernière inondation ». Le preneur est autorisé à prendre « qualche quantità di biglioni » nécessaires contre seulement « 10 sous la douzaine jusqu’à concurrence de 60 douzaines » avant de pouvoir « réaliser une autre scierie à établir au sud de Saint-Martin ». La Commune met gratuitement à disposition le site où elle doit être établie, alors que les bois nécessaires à sa réalisation sont cédés à prix réduit. Mais elle se réserve tout de même la propriété de ces mêmes bois, comme elle le fait des scodegni (les écorces) et les cimes des arbres. Autre obligation, le preneur se voit imposer un prix fixe pour les planches à vendre aux habitants du lieu, 2 £ pour le bois blanc, 2 £ 10 pour le mélèze la douzaine après avoir payé 10 sous l’arbre.
Les enchères continuent, renvoyées plusieurs fois, au 19 puis au 20 novembre 1739, au 3 puis au 4 janvier 1740. Elles s’enflamment jusqu’à être adjugées à 16 sous 5 deniers 1 sesto l’arbre, soit une augmentation de 33 % de la somme initiale. Les différents enchérisseurs, Antoine Gautier d’Amédée, Joseph Ordano, Honoré Guibert, Vincent Marie Novellis, Jean Marie Raiberti, Casone, certains habitants de Saint-Martin, désirant absolument emporter l’adjudication, avancent jusqu’à proposer des sommes supplémentaires, atteignant 2 297 £ 13 sous 7 deniers, qui viennent en surcroît du coût de chaque arbre. Le règlement est prévu à la fin de la première année selon le nombre d’arbres abattus, puis la deuxième année « par anticipation selon l’estimation du premier dénombrement, et ainsi de suite », avant d’être régulé par l’estimation annuelle.
Les autorités communales dressent alors la convention qui régira la coupe durant les 9 ans prévus pour elle, avec exclusivité. Il est fait interdiction à l’exploitant de sortir les biglioni par eau contre une forte amende pour toute contravention. La Communauté se réserve également les cimes « qui ne peuvent faire biglioni ni planches ».
Les autres obligations sont classiques : un dénombrement chaque année pour estimer les arbres abattus ; le paiement devra avoir lieu au prorata de ces arbres ; ceux-ci devant l’être à mesure de la forêt, depuis l’ubac vers l’adret, et non pas commencer au milieu du bois. Ils doivent être « usinés sur le territoire » même de la coupe, dans la structure que le preneur s’engage à installer sur la coupe.
Le contrat est signé le 12 janvier 1741 à Nice, devant le vice-intendant vassal Joseph François Ricci déjà rencontré. Il concerne, comme les actes de la même période, les arbres « permettant de 5 tavoliere de 4 palmes de circonférence, les carantiere de 3 palmes pour les sapins et mélèzes, et pour les épicéas et pins à raison de 3 palmes ½ … à mesurer 3 palmes au-dessus de la terre dans leur partie supérieure ». Tout semble prévu, même la rémunération des ouvriers, « payés en deniers, sinon avec leurs accords ». La Commune demande également qu’il soit fait préférence aux ouvriers locaux, afin de donner prioritairement du travail aux plus fragiles de ses concitoyens.
Le transport lui-même est régulé par convention. Les planches doivent être acheminées par mulet et pas autrement. Deux tronçons sont identifiés, le premier depuis Saint-Martin jusqu’à Loda, le second jusqu’à l’Escarène, respectivement pour 1 puis 2 £ la douzaine. Cette douzaine elle-même varie selon la nature des bois, 12 planches pour le bois blanc, mais seulement 8 pour les mélèzes, dont le poids est plus important.
La convention tente enfin de prévenir toutes dépenses superflues en cherchant à limiter les déplacements des responsables municipaux, limitant de fait les bénéfices escomptés.
La vente, aussi importante qu’elle fut, ne semble pourtant pas suffire pour soulager les finances communales et éteindre les multiples dettes auxquelles elle doit faire face. Il lui faut, face aux événements de la Guerre Gallispane, trouver de nouvelles ressources. De fait, en janvier 1746, Saint-Martin propose une nouvelle fois de vendre ses bois, mais cette fois à la suite d’événements climatiques aiguës et localisés. Il s’agit de ceux Cerise et du Devenzé. Épicéas, sapins et mélèzes trouvés « abattus… sur le sol, déracinés, tombés… qui pour cela dépérissent » afin de pouvoir répondre « aux dépenses déjà faites durant cette conjoncture de guerre ». Le dénombrement a lieu, relevant ainsi la possibilité de mettre sur le marché 600 douzaines de biglioni et 100 douzaines de cartoni. Les 27 et 28 mars puis le 3 avril, les trompettes publiques et autres messi giurati de Nice et de Saint-Martin, allant à Roquebillière puis Lantosque, informent les acheteurs potentiels de la vente prochaine, avant d’en laisser trace à l’albo pretorio du village. Les enchères sont fixées aux 3, 10, 17 et 24 avril. La décision devrait être notifiée le 12 juin, dimanche, à la sortie de la Grand’Messe des Vêpres pour procéder à de nouvelles enchères.
Dix ans plus tard, une nouvelle délibération communale amène à dénombrer 6 000 arbres dans les forêts de Cerise et de Boréon. C’est François Ingigliardi qui réalise l’opération pour faire suite à la vente prévue par ordonnance le 24 janvier 1749, puis à la suite des enchères des 26 janvier, 2 et 9 février suivants, en faveur du marchand Devisi. Cette coupe antérieure n’avait visiblement pas été totalement réalisée, sans doute justement à cause des guerres qui s’étaient déroulées dans le pays. Elle concernait 2 000 arbres, qui avaient été adjugés à 30 sous chacun, et avaient « été trouvés dans ce bois [de Cerise] ». L’acte précise que les nouveaux arbres à prendre devront l’être dans le bois de Cerise, jugé « plus proche et commode ». Les syndics doivent encore se rendre dans la coupe pour y vérifier le marquage des arbres.
Dix nouvelles années passent. Faisant suite à l’autorisation de l’Intendant (21 mai 1762), la Communauté délibère de nouveau le 5 novembre 1766 pour la vente « de 5 à 6 000 arbres dans les forêts de Fenestres et Devensé », appelée Caglà. La coupe doit avoir lieu sous les 4 ans et concerne les arbres matures selon les mesures habituelles. Les enchères sont annoncées comme par habitude jusqu’à Nice, où le trompette public informe les potentiels acheteurs aux lieux habituels : aux colonnes de la loggia de l’église Saint-Jacques, aux pilastres de la Porte du Pont, au canto du Coulet, aux pilastres de la porte du Palais Communal. Les enchères auront lieu les 30 novembre, 7 et 14 décembre au Tribunal.
Enfin, le 12 décembre 1782 est adjugée la vente de 8 000 arbres à couper, sapins et épicéas, dans le bois de Dévensé, au quartier de l’Ala di Caglia, suivant l’autorisation de l’Intendance du 16 juin 1781, puis la délibération du Conseil Municipal du 27 septembre précédent. C’est Joseph Dalbera, feu Ludovic, d’Aspremont, qui obtient l’enchère en proposant 16 sous par arbre. L’acte est entériné à Nice par le Capitaine Ludovic André Plent fils du feu notaire Joseph, de Saint-Martin, domicilié dans cette cité sans doute pour raison professionnelle. C’est Pierre Antoine Milon feu Michel Antoine d’Aspremont qui se porte caution, afin d’éviter tout défaut de paiement. La coupe doit être réalisée sous 9 ans à raison de 500 arbres par an, à partir de mars 1783, dont la dépense devra être acquittée chaque mois d’août, après la réalisation du dénombrement. En cette fin de siècle, la commune, qui ne subit plus directement les effets de la guerre (pour un temps malheureusement), doit assurer quelques avantages à l’adjudicataire, sans doute pour limiter et prendre en charge ses risques. C’est ainsi que sont prévus les risques d’accidents lors de l’abattage des arbres pour causes d’avalanches ou de dessèchement, « si il est prouvé que le preneur n’est pas en faute, ni ses ouvriers ». L’ordonnance permet également de sortir les arbres « tirés par la Route Royale », alors que les animaux de trait, bœufs et mulets, peuvent profiter des pâturages communaux habituellement destinés aux bœufs locaux, le tout gratuitement, « après avoir justifié du nombre dont il a besoin » pour cette tâche. La Commune s’engage également à assurer les pertes « en cas de peste ou de guerre ». Cette même Commune impose encore certaines règles. Elle se réserve les cimes ainsi que les arbres abîmés par l’exploitation. Enfin, elle demande, comme de coutume, à l’adjudicataire de donner priorité aux travailleurs locaux. Chaque dénombrement à réaliser le sera « à frais communs » entre les deux parties. Enfin, tous les actes de l’exploitation, enchères, délibération, soumissions… resteront à la charge de l’exploitant.
Cette série de contrats, dont tous n’ont finalement pas abouti, démontre les difficultés auxquelles sont confrontées les communautés villageoises face au besoin en numéraire provoqué par l’aggravation de la pression fiscale. Il leur faut trouver régulièrement de nouvelles ressources afin de répondre aux exigences réitérées de l’État Sarde. Si la procédure ne démarque pas, la répétition des actes communaux confirment la vitalité de la cellule villageoise. Pris par l’urgence, la Communauté se voit dans l’obligation de trouver dans ses forêts les ressources nécessaires. Le marché, bien que difficile en temps de turbulences, semble encore tenir. Si les adjudications municipales, moulins, fours, gabelles des pains, des vins… n’obtiennent pas toujours preneurs, ce n’est généralement pas le cas des bois communaux. Le bois reste une valeur sûre. La Commune le sait et tente d’en profiter. L’importance des coupes proposées aux enchères donne encore aux autorités municipales, fléchissant sous le poids insistant de l’État, les moyens économiques de mener une politique locale, ou du moins de conserver une certaine autorité et une liberté décisionnelle partielle.
4. La pérennité de la dette
Avec la Restauration, les temps ont changé, la guerre s’est éloignée, du moins de la vallée. Malgré le temps et une certaine paix retrouvée, l’épisode révolutionnaire a laissé des traces sur le paysage. Les finances communales se sont progressivement reconstituées, mais restent encore fragiles, dans un milieu économique essentiellement agricole. Saint-Martin connaît pourtant une « révolution » dans ce domaine. Son économie s’inscrit désormais dans une certaine modernité, celle du tourisme naissant. Le bois reste pourtant, en ces temps d’aménagements urbains intenses, une ressource sûre, bien que raréfiée.
La Municipalité de Saint-Martin procède à une nouvelle vente d’une coupe forestière, obtenue le 5 avril 1852 par la dame veuve Toesca, pour 45 472,48 francs, payables par quart sur quatre ans. Entreprenante, elle obtient une autre coupe, bien plus modeste, le 14 octobre 1854, s’élevant à 5 812,50 francs, payable en deux ans par moitié. Puis une nouvelle adjudication, le 11 mai 1856, lui permet d’acquérir une dernière coupe, pour 2 737,50 francs. Pour faire bonne mesure, sûre de la solvabilité de sa créancière, la Commune avait encore accepté de lui céder « les bois pour former des écluses, pour le prix de 1 521 francs », ainsi que ceux pour former les ponts nécessaires à l’extraction des coupes, pour 1 800 francs encore, plus quelques autres. Au total, les créances de la dame Toesca s’élèvent à plus de 58 000 francs, selon les comptes communaux de 1853.
La Commune s’inquiète alors des divers versements que sa créancière avait réalisés jusqu’alors. En 1854, 14 368,12 francs ; en 1856, 10 000 francs ; puis en 1857, 4 117 francs ; en 1858, 4 000 francs ; enfin, en 1859, 12 808,64 frcs.
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Adjudication 1852 |
Adjudication 1854 |
Ecluses |
Ponts |
Gastaldi |
TOTAL |
1854 |
11 366,12 |
2000 |
1000 |
0 |
0 |
14368,12 |
1856 |
7679 |
0 |
521 |
1800 |
0 |
10000 |
1857 |
1689,12 |
|
|
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|
|
|
2427,68 |
0 |
0 |
0 |
0 |
4117 |
1858 |
4000 |
0 |
0 |
0 |
0 |
4000 |
1859 |
4940,24 |
|
|
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|
6947,42 |
0 |
0 |
0 |
921 |
12808,64 |
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|
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|
39049,58 |
2000 |
1521 |
1800 |
921 |
45293,76 |
1868 |
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7141,34 |
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52435,1 |
Au final, 16 ans après les premiers contrats, Mme Toesca devait toujours aux alentours de 5 500 francs à la Commune. De fait, 7 ans après la conclusion des accords commerciaux, le taux de recouvrement de la dette s’élevait à 78 %, et atteignait difficilement 90 % de ses diverses adjudications… 11 ans plus tard ! De plus, les chiffres n’informaient pas sur les différents intérêts que la créancière devait certainement payer régulièrement à la Caisse communale, comme cela était le cas pour d’autres contrats déjà rencontrés.
Le 15 juin 1868, la veuve Toesca produisait plusieurs quittances qui ramèneraient, selon elle, sa dette à seulement 678,40 francs. Cette revendication obligeait la commune à regarder de plus près ses comptes, faisant appel pour plus de sécurité au Percepteur. L’analyse des documents financiers se faisait plus précis, relevant une « somme formant double emploi » au 5 avril 1852, à hauteur de 1 217 francs. Même cause pour un autre « double emploi » d’une somme de 472,12 francs, procédure classique pour effacer fictivement la dette grâce à un jeu de double écritures. Autre manœuvre, celle inscrite pour le versement du 3e terme de la dette initiale de 1852, versé pour solde, selon le document produit par Mme Toesca en 1856, alors que le 2e terme « n’a été soldé qu’en 1857 » ! On comprend la perplexité des vérificateurs aux comptes communaux devant une telle anticipation de règlement. Ils relèvent d’ailleurs que « les comptes de la Commune ne présentent aucune trace du paiement » dont il est question et évoquent la possibilité qu’il a été « compris en partie [dans les sommes] payées en septembre 1856, formant de nouveau double emploi ». Les comptes sont formels. Mme Toesca a, pour 1854, versé 14 368,12 francs, et 10 000 pour 1856, alors que ses revendications inscrivaient en double emploi plus de 3 000 francs. Pour 1858, de nouveaux « doubles emplois » sont relevés à hauteur de 2 500 francs, que la dame Toesca cherchait à adjoindre aux 4 000 réellement versés… La même opération est renouvelé en 1861…
La vérification opérée par le Percepteur rend justice aux comptes communaux, qui doivent encore recouvrir environ 5 500 francs de sa créancière.
Cette longue et pénible opération comptable démontre tout l’intérêt de la gestion communale moderne, s’appuyant sur le rôle essentiel du Percepteur, véritable mémoire des versements effectués. Le soutien de l’expertise donne ainsi une plus grande assurance à la Commune face aux revendications de débiteurs parfois peu scrupuleux, jouant du temps parfois très long (ici 16 ans) et des multiples versements croisés qu’ils ont pu effectuer. Cela n’enlève pourtant rien aux difficultés des communes à recouvrer leurs avoirs, faisant face à un marché long comme peut l’être celui du bois. Au final, les comportements des entrepreneurs forestiers, considérés milieu XVIIIe et milieu XIXe siècle, n’ont guère varié et étirent toujours les paiements autant qu’ils le peuvent, quitte à payer d’importants intérêts cumulés, qui formaient, à l’époque Moderne, une véritable ressource d’argent frais courant pour les communautés villageoises, assurant la trésorerie des dépenses quotidiennes de gestion administrative. La véritable différence, au XIXe siècle, est celle, désormais, d’une vérification des comptes plus précise par l’intervention des autorités fiscales nationales dont l’impartialité ne peut être mise en doute.
Comme épilogue de cette affaire, la commune s’informe, le 17 janvier 1892, auprès de son avocat, Me Maurel, à Nice, pour régler définitivement, espère-t-elle, le contentieux qui l’oppose toujours à Mme veuve Toesca. Mais la commune se retrouve face à une entreprise en liquidation et n’est pas la seule créancière. Le nouveau maire, Jean Baptiste Fulconis, se renseigne pour savoir s’il y a lieu d’espérer un quelconque remboursement, suivant le rang qu’elle occupe dans le tableau des priorités des créanciers, et quelles sont les sommes réclamées par les différentes hypothèques. Je n’ai pu trouver de réponses à ces questions, mais elles démontrent que l’affaire n’est toujours pas conclue 40 ans après la première soumission.
Cette affaire est symptomatique des difficultés qu’ont toujours rencontrées les communes à obtenir les règlements intégraux de leurs ventes de bois. L’affaire Toesca semble encore confirmer, fin XIXe siècle, que les coupes forestières n’ont pas toujours été la bonne affaire qu’elles semblaient être, engendrant des frais supplémentaires et de longues procédures. Leur règlement nécessitait aussi une continuité importante dans la gestion communale, malgré les progrès certains de l’administration fiscale. Enfin, ils démontent la permanente volonté des édiles locales à valoriser les avoirs communaux en matière forestière, et cela malgré la succession régulière d’expériences malheureuses enregistrée.
5. À qui appartient la forêt ?
Les déboires communaux nous amènent à revenir sur la question de la réelle appartenance des forêts. Si les communes ont pu proposer en adjudication leurs bois durant des siècles, c’est avant tout parce qu’elles en sont propriétaires. Le fait d’user librement, d’agir comme tel, tend alors à prouver, par les faits, leur propriété. Une propriété renouvelée régulièrement par les souverains. Proposons, au travers de l’exemple des forêts de la Vésubie, d’en appréhender différents moments, indicatifs des tensions qui animent la gestion de cette ressource considérée comme rare et fragile : l’arbre, qu’il soit de haute futaie ou simplement en bosquets.
Jean-Paul Boyer rappelle que « l’enquête [du Comte de Provence] de 1252 avait ignoré les forêts », qui, de fait, « appartiennent » à quelqu’un d’autre, à des seigneuries, laïques ou ecclésiastiques, ou même à ces Communautés constituées qui perdent à la même période leur consulat. Celle de 1297, tout comme celle de 1333, en inventorie 3, une à Belvédère (La Musella) et deux à La Bollène (Riu Fredo et Infernet), qui semblent avoir été acquise de cette dernière une quarantaine d’années auparavant, pour, toujours selon Jean-Paul Boyer, payer l’impôt de queste.
À la fin du XVe siècle, les espaces forestiers sont pourtant entre les mains des communautés villageoises. Celles-ci obtiennent, régulièrement, la confirmation du souverain de leur propriété éminente sur les espaces forestiers. Pour Saint-Martin, les lettres patentes de novembre 1598 et avril 1599 en sont les meilleurs exemples. L’intervention de l’État naissant se fait plus pressant. Il mandate pour cela à Saint-Martin et Venanson son commissaire, Jean Audiberto de Puget, pour recevoir les actes et reconnaissances antérieures que s’empressent de produire les autorités communales « par lesquels ils prétendent prouver leur très ancienne propriété bien au-delà de la mémoire d’homme ». S’ensuit l’énoncé des principaux documents, dont le plus ancien est un acte de location remontant au 15 janvier 1494, prouvant la capacité de la Communauté à agir comme propriétaire… Au total, 12 actes jusqu’au 10 août 1571 pour Saint-Martin, auxquels s’ajoutent 4 reconnaissances successives depuis le 24 mars 1473. Pour Venanson, 6 actes sont produits depuis 1504. Cet important corpus d’actes notariés fait droit aux communautés « de leur bonne raison sur les dits bois… ». Cette reconnaissance de l’autorité s’accompagne d’un cens annuel de 100 sous, qui leur confère toute autorité pour exploiter, vendre et extraire ces bois, le souverain leur octroyant « loro antiquissimo possesso », avec la possibilité de les « fruire, vendere, alienare, si come a loro piacera » par « grâce spéciale et moyennant 1 500 ducatoni à payer entre les mains » du Receveur de Nice. Somme pour laquelle le Receveur donne quittance le 26 novembre 1598 à Ludovic Raiberti feu Claude, syndic, qui en reçoit le privilège au nom de la Communauté.
Quelques années plus tard, cette même communauté réalise un registre factice par la compilation des « ordonnances les plus importantes » afin de conserver mémoire des règlements qu’elle entend édicter, entre autres pour la gestion des espaces communaux. Le vrac des réglementations énumère l’interdiction de « prélever des bois de futaies dans la propriété d’autrui » (5 avril 1518) ; celle de « ne pas travailler ni semer… dans les bois de toute la vallée de Fenestras, la Seriesa, de Saleses et tout autre bois du lieu… sous peine de confiscation des semences et récoltes » (28 juin 1562) ; de « ne pas travailler ni faire du bois ni défricher à Los Valieros » (4 janvier 1573) ; « que personne ne coupe de bois blanc ni rouge, vert ou sec dans les bois sur le territoire per far doghe e per casegiar » (13 octobre 1578, renouvelée le 6 janvier 1607et une nouvelle fois le 22 septembre 1613) ; nouvelle prohibition de « couper, peler ou ébrancher des arbres, ni travailler à l’intérieur de ces bois » (29 juin 1609) ; il est également interdit « d’emmener les chèvres à paître dans les coupes de bois de la vallée de Fenestres ni à Salèses » ; interdiction « de faire du charbon en dehors des limites des coupes de bois, et de ne pas couper de bois pour cela »… Toutes ces interdictions, renouvelées régulièrement, sont édictées contre de fortes peines, entre 10 et 25 livres généralement, sommes voulues dissuasives pour les contrevenants potentiels. Ce que contredit leur répétition même. Elles démontrent la pression qui s’exerce sur les espaces forestiers, tiraillés entre la hache puis la houe du défricheur, et la dent des chèvres. Mais elles démontrent aussi avec quelle constance les responsables locaux cherchent à en protéger les productions ligneuses. Et par extension les revenus potentiels.
Pour s’en assurer, les forêts désormais communales sont régulièrement parcourues et estimées par les agents nommés par le Parlement villageois, sous la direction des syndics du village, sous l’autorité du baile représentant toujours nominalement le souverain. Le 24 juillet 1730, le baile Pierre Antoine Veglio, reçoit les relations des syndics Jean Marie Raiberti et Pierre Louis Ingigliardi, « en exécution des dispositions des nouvelles Constitutions Royales » qui font état des bois « appartenenti alla presente Comunità ». Ils décrivent le bois della Cereisa e Borreon, composés de sapins, épicéas et mélèses, « d’une capacité de 800 giornate », délimités « au levant et midi par les pâturages et roches du présent lieux, au ponent la rive de la Vésubie, au nord la rivière ». Puis celui de Salèses, où se trouvent sapins, épicéas, pins et mélèzes sur 949 giornate, limités « au levant par les roches et rovines confinant à Valdieri, au midi la montagne de la Cereisas et en partie la rivière, au ponent les roches et rovines du présent lieu, au nord la colla di Mollieras, territoire de Valdeblore ». Celui du Devense, bien plus modeste, composé d’épicéas, mélèzes, pins et sapins, pour 40 giornate, se trouve « au levant avec les gerbidi et pâturages du présent lieu, au midi les dits pâturages, au ponent la rive de la Madone de Fenestres, au nord le territoire de Belvédère ». Enfin, un dernier bois, à la Pallù, composé de pins, sur 40 giornate, confinant « au levant avec le finage de Belvédère, au midi celui de Roquebillière, au ponent le Serre de Roveri et au nord le vallon de la Pallù ». Ces deux derniers bois, voisins des terres de la Communauté de Belvédère, semblent être des reliques ayant appartenu à un territoire plus vaste disparu, dont l’essentiel composait ce qu’il est alors convenu d’appeler la Terre de Cour. Et de préciser que « la plupart de ces bois ont été il y a peu de temps déboisés et coupés, ce qui a pour conséquence que non fanno grand selva », « qu’ils ne font plus grande forêt ! ». Déclaration de ‘propagande misérabiliste’ classique, dont la Commune use pour minimiser son potentiel économique, mais arme à double tranchant. Il est fait une relation du dénombrement des arbres coupés dans le bois du Devensé le 12 octobre 1732, dont 2 724 sont déclarés matures… L’acte, pourtant réalisé sous serment, n’évite pas les tentations minorantes des richesses communales.
Le 17 août 1774, la Commune récidive dans son désir de réglementer l’utilisation de ces bois. Cette fois, c’est à une refonte générale de ses statuti compestri qu’elle s’attaque. Soumis au Souverain pour validation, celui-ci en refuse le principe, arguant du manque d’utilité à transformer un code qui jusqu’alors a fait ses preuves face à la permanence de la nature des infractions constatées. Pourtant, la Communauté soutenait sa proposition par sa volonté de « supprimer les désordres et abus qui sont toujours plus introduis par la malignité humaine d’aller à l’encontre de l’avantage Public ». Il s’agissait pour elle d’assurer la « Conservation des bois », et de rappeler qu’il en allait de son autorité depuis l’investiture donnée par les Patentes Royales du 12 novembre 1598, approuvée le 26 avril 1599, l’autorisant à nommer annuellement deux Conservateurs des Bois de la Communauté. On peut aussi voir dans le refus de la tutelle administrative la volonté de ne pas permettre aux édiles locaux de promulguer de nouveaux droits alors même que l’État cherchait à monopoliser la pratique législative pour limiter les pouvoirs territoriaux.
La proposition communale est un important document dont 16 chapitres concernent la gestion forestière. Régulant dans un premier temps la fonction des Conservateurs et la norme des coupes (circonférence des arbres, dénombrement, relation, estimation des dommages…), elle s’attache ensuite à les organiser en faisant « réserver 250 palmes » de distance « entre chaque ala » afin de limiter les dégâts des avalanches. Le chapitre 3 tend à réserver les branchages à l’usage domestique, entendu « que l’expérience a démontré qu’ils ne sont pas bon all’uso delle fabbriche ».
Parmi ces mauvais usages, celui d’écorcer les arbres afin de les faire dépérir dans le but de pouvoir les couper « comme morts ». Ces mêmes écorces qu’il est interdit de prélever pour « couvrir les cabanes » des gardiens des troupeaux de vaches, la Commune devant pourvoir à cette couverture par des planches « que les pâtres devront retirer à l’automne des cabanes pour servir d’année en année », rendant responsables les personnels des alpages de toute disparition.
Viennent ensuite les usages des fours, pour le pain comme pour la chaux (§ 6), aux mains d’adjudicataires dont il convient d’organiser la fourniture. Ce sont aux syndics que revient cette charge, indiquant « la quantità di tropelli statali accordata per la manutenzione di detti due forni e per il cuocimento di detto fornaci di calcino », en prenant les arbres morts, abattus par le vent, les avalanches et autres tempêtes, ceux abandonnés, les cimes des arbres vendus, guasti e putridi (garps o garres), sans qu’il soit permis d’extraire un nombre supérieur à celui autorisé, sur les seules forêts désignées… C’est aux Conservateurs des bois que revient la réalisation du dénombrement.
Le foccaggio (§ 7), qui reste un droit d’usage essentiel de la population pour pourvoir à ses besoins quotidiens, est également réglementé. Les syndics, toujours sous l’autorité du baile, doivent missionner pour cela les Conservateurs des bois qui ont la charge de dénombrer et marquer les arbres destinés à cet usage, puis de vérifier le bon état de la coupe afin d’éviter tout abus.
Le vol des bois marqués (biglioni, giajne e cartoni) pour les marchands le long des torrents est sanctionné de 6 £ d’amende par arbre, auxquelles s’ajoutent tous les coûts du préjudice de la perte et des dégâts éventuels que pourraient subir les propriétaires des biens riverains de la conduite des bois par flottage. L’affaire semble alors d’une telle importance qu’elle nécessite plusieurs articles particuliers (§ 8 et 9).
Et comme un oubli, le législateur local rappelle, en tout dernier chapitre, que de toutes les manières, quiconque s’introduit dans les forêts communales devra être en possession d’une autorisation délivrée par les autorités communales (§ 16).
Vient ensuite la réglementation des arbres domestiques. Ceux qui posent le plus de difficultés sont les plantations de châtaigniers et noyers, « dont l’ombrage et ramage apportent un notable dommage au terrain ». Les statuts précisent qu’ils ne pourront être plantés qu’à distance de 20 palme à l’est, 25 au midi, 18 à l’ouest et 16 au nord de toute propriété voisine. De plus, tout arbre planté depuis moins de 12 ans « devra être enlevé par son propriétaire » d’ici l’automne ou le prochain printemps, sous peine de voir l’arbre coupé sur ordre du Conservateur des bois, et d’une amende de 30 sous par jour vaqué, et l’obligation de couper les rémanents. Dans le même sens, cerisiers, pommiers et poiriers, ou tout autres arbres fruitiers devront être plantés à 14 palme à l’est, 18 au midi, 12 à l’ouest et 10 au nord des limites de propriétés. Le contrevenant s’exposant à l’abattage de l’arbre en question. Pour les plus vieux arbres (vecchi ed antichi) qui se trouvent en limites, le voisin pourra cueillir les fruits qui portent sur sa propriété, gage au propriétaire de l’arbre de couper les branches qui dépasseraient (§ 10, 11, 12 et 13).
Les dégâts causés à des maisons rurales ou granges par la chute d’arbres à la suite d’événements climatiques pourront être réparés. Les propriétaires des biens immobiliers concernés auront la faculté de restaurer « dans l’année qui suivra les dégâts » leur bien, à l’identique, aux dépens du propriétaire de l’arbre. Il est même précisé que tout propriétaire d’arbres salvatici attenant à des propriétés à qui ils feraient ombrage « sont tenus de les couper » ou bien ils le seront à leurs frais sur ordre des Conservateurs des bois. La différenciation entre arbre domestique et arbre sauvage est très nette dans le projet de statuts. Les premiers sont considérés pleinement comme propriété privée, relevant d’une personne en particulier qui doit surseoir à tout dérèglement que l’arbre engendrerait à la tranquillité publique. Les seconds n’ont pas lieu d’être dans l’espace privatif des productions agricoles. Il est, comme son nom l’indique, repoussé sur les marges de l’espace sauvage, donc commun.
Que conclure de ces réglementations que la Communauté cherche à renouveler à la fin du XVIIIe siècle, sinon qu’elles démontrent un souci permanent porté sur la gestion de la forêt. Pareil intérêt était déjà présent dans les premiers statuti campestri hérités du Moyen Age. Mais loin d’y voir une permanence, relevons le perfectionnement de la pratique, et ce, malgré les aléas qui fragilisaient cette partie des biens communaux depuis des siècles. La Commune tente toujours de gérer ces vastes espaces périphériques comme gages de sa propre liberté politique en tentant d’en obtenir les ressources financières qui lui font le plus souvent défaut. Ils en sont les derniers reflets.
6. La surveillance au quotidien
Nous venons de le constater, la forêt est restée durant toute la période étudiée, un espace fragile face à de multiples agressions anthropiques. Les Communautés ont très tôt pris la mesure de l’effort réglementaire qu’elle demandait. Elles ont dû assurer leur surveillance régulière, sinon au quotidien, fonction de divers officiers durant la période d’Ancien Régime. Les Conservateurs des bois en sont les principaux responsables, devant la Conseil ordinaire de la Communauté. Ils n’en sont pas pour autant les agents de terrain. Ils sont le plus souvent épaulés par les campari, qui détiennent une fonction subalterne dans la hiérarchie municipale, et dont les compétences se portent en marge de la forêt proprement dite. Ils sont pour cela habilités à intervenir sur les infractions concernant les prélèvements de produits annexes de la forêt. Mais le dénombrement et les mesures concernant l’évolution forestière restent du domaine des Conservateurs.
Au XIXe siècle encore, les Communautés villageoises entretiennent des agents particuliers de surveillance des forêts. C’est ainsi que nous constatons de nombreux procès-verbaux rédigés par les agents de la circonscription, comme celui du 20 mai 1833, rédigé par Jules Martin, brigadier de la circonscription de Saint-Martin-Lantosque et François Marie Raibaut, juge ordinaire du district de Lantosque, constatant un abattage illégal d’arbres dans la forêt du Sirol, sur la commune d’Utelle. L’agent, décrivant son parcours, dit avoir traversé « les forêts dites Manoinas, appartenant à la commune d’Utelle, emboisées d’une quantité d’arbres larice matures à la coupe, déjà martelés pour être vendus », et avoir trouvé 6 arbres, « parmi les plus gros, abattus depuis peu », « réduits en biglioni… », de « 6 palmes de circonférence » et de « 60 palmes de hauteur », pour un valeur estimée de 4 £ chacun. Remontant la piste des arbres, l’agent découvre que le travail, pour plus de discrétion, « avait été réalisé de nuit », cause aggravante s’il en est. Les planches obtenues étaient entreposées dans une cabane dont le propriétaire, Joseph Mari, reconnaît les faits et confirme le forfait de deux prévenus, Dominique Torrin feu François et Pierre Thaon, confondus par de multiples témoignages…
Nous sommes en présence d’actes discrets, relevés par les agents forestiers que la mission amène à parcourir les vastes étendues boisées afin de constater l’état de maturation des plantes, de conforter les matelages des communes, d’assurer le suivi des abattages, mais aussi de démasquer et poursuivre les contrevenants qui ne manquent pas.
C’est aussi la fonction d’un personnage fameux, le « Garde champêtre », héritier des précédents, et figure d’Épinal du monde rural. Un document exceptionnel en Vésubie, issu des archives de la commune d’Utelle, nous permet d’entrer dans l’intimité quotidienne de son travail. Il s’agit de Charles Maurel, déjà connu par les travaux de Cyril Isnart pour avoir dirigé une battue organisée contre les « esprits malins » de la commune. Plus prosaïquement, et sans pour autant dénigrer les croyances émanant des espaces ruraux, et en particulier forestiers, ceux-ci sont le lieu de nombreuses contraventions que le garde-champêtre se fait devoir de constater. Son petit livret, concernant les années 1868 à 1873, renferme 64 procès-verbaux d’infractions relevées, dont 22 (34 %) concernant le pâturage d’animaux dans des espaces forestiers mis en défens et 30 (47 %) concernant des délits sur les arbres et produits de la forêt ; 2 sont réalisés à la suite de vols de plants. Les autres actes concernent des conflits de voisinage, parfois d’une rare violence, des actes d’ivresse… Ils apparaissent surtout sur la fin de la période. Le garde champêtre semble alors s’y consacrer pleinement, au détriment des actions de surveillance de la forêt et de l’espace agricole.
Une activité suivie est constatée par ses rapports quotidiens, du 1er janvier 1868 au 21 février 1870, comme le demandait le préambule du document de 124 feuillets « paraphé par le Maire d’Utelle », institué « pour constater les tournées régulières qui seront faites par le dit Garde dans les différentes sections de la Commune ». Au total, 814 missions ont été relevées sur cette période. À noter que la proximité de certains « cantons » lui permet d’en visiter deux, et exceptionnellement trois certains jours. Ses tournées l’amènent, quasiment tous les jours de l’année, à parcourir les forêts des différents hameaux de la vaste commune d’Utelle, depuis l’Imberguet, rive gauche de la Vésubie, au Ciaudan sur le Var… en passant par le Revest, le Cros, Saint-Jean ou encore le Figaret, sans négliger les alentours du village. Quelques quartiers, en dehors du village (qui représente ¼ de son activité), semblent plus surveillés que d’autres, comme l’Aclap, Peleï, La Palù ou encore le Grand-Autel… dont la localisation m’est restée inconnue.
Quartiers |
Missions |
|
Aclap |
61 |
|
Camps |
11 |
|
Ciaudan |
36 |
|
Cros |
46 |
|
Figaret |
25 |
|
Grand Autel |
50 |
|
Palù |
64 |
|
Pelei |
176 |
|
Revest |
41 |
|
Rivière |
22 |
|
Utelle |
210 |
|
Autres |
72 |
|
|
814 |
Sa fonction l’amène à parcourir quotidiennement de grandes distances, le long des sentiers communaux. Mais la nature et la forme du document ne nous permet pas, sinon pour la période citée (janvier 1868 – février 1870) de suivre dans le détail ses activités. De fait, c’est durant ces deux premières années que Charles Maurel transcrit de manière assidue ses actes, et qu’il commet le plus grand nombre de procès-verbaux conservés (70,3 %). Ceux-ci deviennent bien plus rares, sinon anecdotiques pour les 4 années suivantes.
Années |
Actes |
|
1868 |
16 |
|
1869 |
29 |
|
1870 |
4 |
|
1871 |
6 |
|
1872 |
8 |
|
1873 |
1 |
|
|
64 |
Doit-on pour autant expliquer l’importance de cette activité dans les deux premières années par la « surprise », la méconnaissance de la présence et du rôle du Garde par les populations potentiellement « délinquantes », ou plutôt par une moindre rigueur par la suite dans l’activité et l’inscription des procès-verbaux ? On peut imaginer que lors de sa première année de fonction, celui-ci ne connaissait pas encore suffisamment, ou n’avait encore qu’une incomplète information lui permettant d’appréhender les actes délictueux, bien plus qu’il ait fait alors œuvre de pédagogie et par la suite de prévention. Il prend, de fait, sa pleine importance en 1869.
Pour se limiter à cette période initiale (45 actes), qui donne tout son sens à l’action du Garde Champêtre, nous le retrouvons parcourir les sentiers à toutes heures, et arriver aux aurores sur les lieux de sa surveillance. Les procès-verbaux qu’il dresse en indiquent généralement l’heure. Ils se répartissent grossièrement par tiers, 18 actes avant 10 h du matin, 12 avant 14 h, et 15 jusqu’à 20 h. À noter qu’un acte est rédigé avant 5 h du matin, un autre avant 6 h, 3 avant 7 h et encore 2 avant 8 h… tous la deuxième année (1869), flagrants délits qui vont dans le sens d’une meilleure connaissance des lieux, des personnes et de leurs pratiques… et d’une marche d’approche de nuit sur des sentiers heureusement connus.
|
1868 |
1869 |
1870 |
|
|
Flagrance |
13 |
20 |
1 |
34 |
|
Dénonciation |
2 |
10 |
1 |
13 |
|
Missions |
2 |
0 |
0 |
2 |
|
|
17 |
30 |
2 |
49 |
Les actes de flagrants délits concernent essentiellement deux catégories de contraventions. Celles portant atteinte aux « peuplements » d’arbres, principalement de chênes verts, plus rarement de charmes. L’agent signale alors l’état des cantons, précisant que le « bois est âgé de 10 ans » au Grand-Autel (8 février 1868), de « 8 ans » à La Palù, de « 5 ans » à Peleï pour des plantes de « 20 cm de circonférence », pire encore, qu’il vient d’être planté et que l’on a « soustrait plus de 80 plantes » au Savel, dont 27 de mélèzes et 15 de sapins seulement ont été retrouvées (27 juin 1870). Ou encore, dans le semis de Segellieras, quartier dit Goretta, où 600 plantes ont été dérobées et « 300 retrouvées » seulement, replantées à 500 m du lieu du délit (25 juillet 1872).
Il s’agit également de découverte des vols de fagots, de branches de chênes retrouvées sur « une petite charrette chargée d’environ 200 kg » à La Festolla (9 janvier 1872), de buis… voire d’une véritable « coupe de gros bois… évalué à 50 charges » dont seuls ont été « retrouvé environ 200 kg » au Grand-Autel (15 juillet 1871).
Ces prélèvements directs des produits de la forêt forment un gros tiers (35 %) des cas relevés. Une moitié est marquée par des atteintes aux produits annexes de la forêt par la pratique de pâturages sauvages, ruinant les jeunes pousses régénératrices naturelles de la forêt. Des troupeaux de chèvres, de brebis, de vaches, et même bœufs sont découverts paissant paisiblement dans les forêts et autres « peuplements de chênes verts ». 40 chèvres le 8 janvier 1868, 2 le 23 du même mois, des troupeaux les 13 (Peleï) et 14 mars (Palù), 80 brebis le 7 avril, encore « un grand troupeau de brebis » le 13 septembre, toujours en 1868… Parfois, la déclaration préalable de pâturage est vérifiée en mairie et confirmée erronée par le Garde, comme le 24 août 1869, quand le berger d’Étienne Seren est pris avec 2 bœufs de trop. Ou le 4 septembre suivant, pour la chèvre de M. Joseph Roubaut…
À chaque intervention du Garde, les délits touchant les biens communaux comme les biens privés sont évalués, de 1 franc à parfois 90 francs (pour la « grosse coupe » rencontrée)… Mais dans les faits, ce sont généralement de petites sommes (moins de 5 francs) qui pénalisent les plus précaires des contrevenants, agissant le plus souvent pour assurer leur simple quotidien.
Les « délinquants » sont des riverains, quasiment jamais des « étrangers » provenant des communes voisines. Parfois de très jeunes gens, comme « Batestine Maurel, âgée de 5 ans, fille d’Honoré, cultivateur et domicilié au Villar », qui gardait un troupeau de 50 brebis. Ou encore la jeune Thérèse Bailon, fille d’Honoré, 18 ans, confondue pour avoir réalisé sans autorisation un fagot de broussailles… Ils sont plus généralement des hommes, plutôt jeunes, entre 17 et 28 ans, mais pouvant atteindre exceptionnellement 63 ans, et même 66 ans à partir de l’échantillon relevé.
La présence permanente du Garde dans les différents écarts de la commune incite rapidement les habitants à s’adresser à lui pour porter plainte contre des actes de malveillance dont ils se disent victimes. Le Garde Champêtre joue alors le rôle d’enquêteur, recherchant des preuves, à défaut des témoins capables de confirmer les dires du plaignant avant de dresser procès-verbal des infractions constatées. C’est le cas de Pierre Gal, Recteur de l’Institution Cristini au Figaret, qui dénonce Denis Daideri, également du Figaret, berger des frères Olivari, qui faisait paître un troupeau de 80 brebis « sur une de ses terres ensemencée de blé et de lentilles, et autre parties complantées de buis et de ginestes » au Cretas, le 7 avril 1868. Dans la quasi totalité des cas, il s’agit d’atteintes à des biens privés, de terres déjà ensemencées ou produisant une certaine ressource, que la victime dénonce afin, au moins, d’obtenir réparations du préjudice. Plus rarement de coupes, comme celle que dénonce Thomas Guitonis, docteur et propriétaire au Figaret, pour l’acte du jeune Victor Pasquier, 17 ans, du même lieu, qui est accusé d’avoir abattu « 3 chênes blancs au Ribas de Clot, 6 autres au Serres, 2 au Vignon et enfin 1 dernier au Ribas. Le préjudice est estimé par le Garde à 4 francs, le 25 janvier 1870. Plus rares sont les affaires ayant pour origine une volonté de réparer une injustice dont est témoin le dénonciateur qui peut aussi agir en proie à une certaine jalousie. C’est le cas pour la taille de 2 fagots de branches de sapin le 20 mai 1870… D’autres affaires portées à la connaissance du Garde concernent des actes de malveillance, des violences ou plus simplement des débordements « urbains » dont la nature sort de notre sujet, imputables à une jeunesse parfois un peu exubérante.
Le quotidien du Garde Champêtre, personnage resté dans la mémoire collective comme garant de l’espace public et tout particulièrement de la bonne marche de l’exploitation des ressources agricoles, marque de son empreinte la forêt. De ces pérégrinations le long des sentiers ruraux, il rappelle ce qu’est le droit, désormais régulé par l’État et non plus par les seules communautés villageoises comme cela fut longtemps le cas.
Conclusion
Que peut-on conclure de ce long parcours parmi les futaies de la Vésubie ? Au milieu de la dernière guerre, le Directeur des Eaux & Forêts commettant ce long article qui a servi de point de départ à notre étude, s’évertuait à défendre son sujet en reprenant à son compte la vision ‘misérabiliste’ d’une forêt abandonnée, défraîchie, quasiment rachitique, et dans tous les cas qu’il fallait bien mieux protéger qu’elle ne l’avait été jusqu’alors par les différentes autorités en charge. Nous l’avons vu, loin d’être malhonnête, son propos, teinté de contemporénéité, lui donnait le beau rôle, soutenant difficilement un « retour à la terre » fort mal en point, plus encore dans le département des Alpes-Maritimes pauvre en terres agricoles utiles.
Son analyse présente en fait deux situations héritées opposées. La première est celle de vastes étendues forestières encore en partie sinistrées à l’issue de siècles d’exploitations intenses ; la seconde celle d’une forêt en reprise grâce à la conjonction des deux facteurs, la politique, réelle et massive, de reboisement depuis la fin du XIXe siècle, et la déprise rurale touchant une large partie des communes du Haut Pays après la Grande Guerre.
Mais plus que l’ineptie des gestions locales, que les archives réfutent indubitablement, c’est à la fragilité inhérente aux sols et climats méditerranéens qu’il faut en grande partie attribuer le déficit de repousse d’une forêt vulnérable. Dugelay l’avoue au détour d’une phrase quand il constate les difficultés qu’il y a à réaliser les semis, pourtant bien organisés et surveillés par ses propres agents.
Le constat ne donne que plus d’acuité aux politiques menées par les syndics villageois depuis le XIVe s. Il leur donne une nouvelle dimension, en considérant les efforts constants de réglementation, de suivi des ventes, des marquages, des abattages, des extractions des ressources forestières, tant sur les chemins muletiers que par voie d’eau. Il permet de mieux comprendre également la volonté qu’ont eu les édiles de faire réaliser sur place la transformation de la matière première, afin d’apporter une réelle plus-value au produit brut, et de donner du travail à une main-d’œuvre trop souvent touchée par les « malheurs des temps », la guerre, les épidémies et les accidents climatiques, sans cesse affaiblie.
Sans pour autant tomber soi-même dans le ‘misérabilisme’ récurrent des autorités locales destiné à sous-évaluer leurs propres potentiels économiques pour soulager le poids de l’impôt, il convient de reconnaître que l’état et les modes d’exploitation de la forêt peuvent être considérés comme les meilleurs reflets de cette société. En proie à de multiples difficultés pour se développer, elle – en fait, les élites sociales qui la dirigent – utilise, vend et protège une forêt sans cesse renouvelée, et qu’elle tente de conserver au mieux de son potentiel économique.
Mais au prix de quels sacrifices ? Pour quels réels bénéfices ? À l’analyse, loin de ceux escomptés. Souvenons-nous tout de même que nous sommes dans une société de petits profits accumulés, où l’intérêt légal (plus ou moins) a plus d’importance que le capital. Et que le seul fait de gérer la forêt, de la faire vivre – c’est-à-dire permettre à la population locale de se procurer le bois dont elle a besoin, palier les exigences militaires sans trop de dégâts du moins rien qui ne soit restaurable, et vendre régulièrement des coupes – est un signe de pouvoir pour ceux qui en usent.
Au final, la forêt s’est survécue. Elle est aujourd’hui, bien au-delà de la carte postale de la « Suisse Niçoise », un espace de vie dont la ‘nature’ a évolué au gré de la préhension de l’espace montagnard. Terrain à préserver, de loisirs, mais aussi d’exploitation. Du moins une exploitation qui n’enrichit toujours pas les communes forestières du Haut Pays Niçois.
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La carte est publiée en grand format en annexe autonome
Les références entre parenthèses correspondent à la feuille du cadastre « Napoléonien »
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Voir cartographie particulière en Annexe de l’article « Défendre le Val de Lantosque »
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BURRI idem
BOYER idem
SCLAFERT idem
ADAM, 1FS 454 Consegna ou recensement des bois, 20 février au 17 novembre 1823
GILI Éric « Le temps d’une génération, entre prospérité et réquisitions. L’impact économique et social des guerres françaises au début du XVIIIè siècle à Saint-Martin-Vésubie », in Utrecht. Au cœur des Alpes (1713-2013), Actes du Colloque de Jausiers, Colmars et Entraunes, septembre 2012, Roudoule, 2013, pp. 41-87
ADAM, E 102/33 DD 13
ADAM, E 102/33 DD 16
GILI Éric & LASSALLE Juliette « La Terre de Cour, un territoire alpin contesté depuis 800 ans… Mise en perspective historique », in Patrimoines du Haut Pays, n° 16, 20016, pp. 167-197
ADAM, E 102/33 DD 20
quartier identifié au vallon Morose, carte IGN au 25 000e, francisation incompréhensible du terme occitan désignant les rhododendron (l’amourous), on peut donc y voir « le lieu où poussent ces plantes
ADAM, E 102/033 – fin XVIIIe s.
GILI Éric & LASSALLE Juliette « La Terre de Cour… », Op. Cit.
ADAM E 102/080 4D 5
COSTAMAGNA Henri « Libertés communales et tutelles centralisatrices à Nice (1699-1792) », in Cahiers de la Méditerranée, 1972, pp. 397-414
COSTAMAGNA Henri « Ressources financières des communautés dans le Comté de Nice au XVIIIe siècle », in Provence Historique, janvier-mars 1974, pp. 29-67
ADAM, E 102/034, DD42
ADAM, E 102/034, DD24
ADAM E 003/019 DD 11
GILI Éric « Le temps d’une génération… Op. Cit.
voir § 1
Sur ce sujet, voir le programme « Suisse Niçoise » de l’AMONT
ADAM, E 003/049 4D 1
BOYER Jean-Paul Hommes et Communautés… Op. Cit. Nice, 1990
BOYER Jean-Paul – VENTURINI Alain « Les consulats ruraux dans le ressort de l'évêché de Nice (circa 1150 –. 1326) », in Actes des Journées d'histoire régionale. Le village. Mouans-Sartoux 1984, Mouans-Sartoux, 1985, p. 17-46
PECOUT Thierry (Dir.) L’enquête générale de Léopardo da Foligno en Provence Orientale (avril-juin 1333), Ed. du Comité des travaux historiques et scientifiques, 2008
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GILI (É) – LASSALLE (J) « La Terre de Cour… », Op. Cit.
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ADAM E 051/01I003 Procès-verbaux des gardes forestiers
ADAM E 051/01I003 Registre d’inscription des procès-verbaux de contraventions constatées par le garde-champêtre
ISNART Cyril « Êtres fantastiques des Alpes du Sud », in Le Monde Alpin et Rhodanien, 2001, n° 29/4, pp. 92-96
Histoire des forêts en Vésubie (XVe-XXe siècles)
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